Une légende veut que les autruches mettent leur tête dans le sable face à une menace, afin de l’ignorer plutôt que l’affronter ou fuir. Aussi « faire l’autruche » désigne une attitude répandue chez les humains, consistant à se replier sur soi-même afin de ne pas voir une réalité insupportable. Ce refus de voir est appelé « déni » par le psychiatre Serge Tisseron, et fait l’objet de la réflexion qu’il développe dans ce livre. Nous y avons tous plus moins recours. Ainsi, notre mort est une certitude que nous avons tendance à ignorer ou bien à compenser par des croyances en une vie dans un au-delà. Ces dénis collectifs portent sur des réalités inacceptables, auxquelles nous ne pouvons accéder que peu à peu, comme dans le cas des affaires de pédophilie au sein de l’Église catholique. La fonction première du déni, explique S. Tisseron, est de lutter contre l’anxiété. C’est « un bouclier bien utile pour nous protéger d’une agression de la vie », écrit-il. Mais la charge mentale qu’il constitue peut devenir bien encombrante. Si le déni individuel peut rester silencieux, les dénis collectifs ont besoin de convaincre pour être partagés. Telle serait la fonction des discours complotistes qui répondent à des événements traumatiques bousculant notre vision du monde. L’épidémie de Covid-19 en fournit un bon exemple. Les informations contradictoires et anxiogènes qui circulaient à ce sujet ont poussé certains à chercher des explications alternatives. Des théories farfelues sont apparues, comme celles des puces 5G introduites par le biais des vaccins. Cette « fabrique contemporaine de l’aveuglement » s’appuierait volontiers sur de nouvelles technologies, comme ces algorithmes favorisant le renforcement de nos croyances initiales par le fonctionnement en vase clos. Pour en sortir, l’auteur suggère de « cultiver notre plasticité psychique et de nous entourer de gens différents de nous », d’éduquer à l’utilisation d’Internet et d’informer sur « les pièges des algorithmes » et les biais cognitifs qui nous font commettre des erreurs de jugement. Cela suffira-t-il ?