La pratique infirmière connaît de nouvelles inflexions, particulièrement dans les établissements de court séjour. Celles-ci sont liées au pilotage de l'offre de soins, aux nouveaux modes de gestion de l'activité et de l'emploi, ainsi qu'aux évolutions récentes du travail médical. Les reconfigurations du travail infirmier présentées ici ont été identifiées au cours d'une recherche menée dans un établissement de santé spécialisé en cancérologie 1, dans lequel un premier travail d'observation avait été réalisé entre 1993 et 1996. La connaissance antérieure de l'organisation du travail médical et soignant, et les liens tissés avec certains personnels soignants ont aussi aidé, au cours et à la suite d'observations longues dans plusieurs services et d'entretiens ethnographiques, à mieux appréhender les modifications en cours du travail et de son environnement.
Un cadre de travail bousculé
Entre ces deux études, les personnels des services de soins ont dû faire face à un certain nombre d'événements qui ont eu des conséquences sur le développement de l'établissement, la composition des personnels de soins et le travail infirmier lui-même. Ainsi se sont succédé la fermeture d'un établissement annexe - et une perte de lits de médecine, de personnels expérimentés -, le développement de prises en charge ambulatoires et de très courts séjours des patients, l'application d'une nouvelle convention collective favorable aux personnels les plus jeunes, le passage aux 35 heures à un moment où l'établissement devait faire face à une pénurie d'infirmières jusque-là inconnue. Plusieurs vagues de départs d'infirmières ont entraîné un important turn-over de nouveaux personnels et une charge de travail particulièrement lourde pour les personnels en place, en termes d'accueil, d'information et de formation de ces collègues. L'accumulation de ces événements et les ruptures qu'ils ont introduites ont provoqué un sentiment d'insécurité et une fragilisation des équipes de soins 2. Les règles de progression de carrière sont modifiées, la mobilité et la flexibilité mises en avant et la gestion individualisée des compétences et de la rémunération s'articulent difficilement avec le maintien de collectifs de travail, pourtant indispensables à la qualité des soins comme au développement professionnel, dans la durée, des membres des équipes de soins.
La réduction remarquable de la durée de séjour impose de nouveaux modes d'organisation et de distribution du travail infirmier. Certains types de travail sont extraits de la prise en charge hospitalière et reportés en amont ou en aval, faute de temps suffisant pour les assurer pendant le séjour.