La chirurgie esthétique, du tabou à la tendance

Liposuccions, augmentations mammaires et chirurgie du sexe féminin se banalisent. Comment l’expliquer ?

17212249740_CHIRURGIE_ESTHETIQUE_TENDANCE_TW.webp

C’est une ascension fulgurante, à peine ralentie par l’épidémie de covid et qui s’accélère depuis trois ans. La transformation physique de soi, via la médecine et la chirurgie esthétiques, ne semble plus connaître de limites. Le phénomène se démocratise, gagne tous les continents et concerne désormais presque toutes les tranches d’âge. Selon la Société internationale de chirurgie esthétique et plastique (Isaps), près de 15 millions d’opérations de ce type ont été pratiquées dans le monde en 2022, soit une augmentation de 41,3 % en quatre ans. Avec 18,8 millions d’interventions non chirurgicales, comme les injections de botox, la médecine esthétique n’est pas en reste.

Côté chirurgie, les liposuccions, augmentations mammaires et opérations des paupières arrivent en tête, suivies par les abdominoplasties et les rhinoplasties. Côté médecine esthétique, les injections de botox, d’acide hyaluronique, les épilations définitives, les peelings et les réductions non chirurgicales de masse graisseuse (cryolipolyse) figurent au top 5 des actes pratiqués. En résumé : nous voulons un ventre plus plat, une poitrine plus grosse, un corps imberbe et la jeunesse éternelle. Rien que du très banal, en somme.

Sauf que ces interventions touchent une population de plus en plus jeune : plus de la moitié (55 %) des augmentations mammaires, deux tiers (67 %) des rhinoplasties et près de 43 % des liposuccions concernent les 18-34 ans. Un besoin de modification qui naît principalement d’un désir de conformité, explique Anne Gotman, chercheuse émérite au CNRS (Cerlis) et autrice de L’Identité au scalpel (Liber, 2016).

En Chine, quatrième pays au monde pour le nombre d’actes de chirurgie esthétique, derrière les États-Unis, le Brésil et le Japon, les normes de beauté s’imposent de plus en plus tôt 1. Casques censés éviter les fronts proéminents chez les bébés, rubans adhésifs pour sceller les lèvres pendant la nuit (respirer par la bouche a la réputation de donner une forme étroite et allongée au visage), emmaillotage des membres inférieurs pour en finir avec les jambes en X (genoux vers l’intérieur, pieds vers l’extérieur…), etc. Les corps sont sculptés dès le plus jeune âge. Ce serait le prix à payer pour maximiser ses chances dans la course à la réussite. Certes, il ne s’agit pas encore de chirurgie – on parle tout de même de sévères contraintes –, mais pour combien de temps ?