Faire mieux avec moins ! Quel beau slogan. Martelé telle une évidence, il fonde l’exigence d’innovation frugale. Mais ses partisans ne s’accordent pas sur les causes du problème, et cette divergence mène à des comportements et des solutions distinctes. Entre jugaad et low-tech, sommes-nous condamnés à choisir ? Deux livres récents, L’Âge des low-tech de Philippe Bihouix, et L’Innovation jugaad de Navi Radjou, Jaideep Prabhu et Simone Ahuja, permettent de jauger les arguments de ces deux courants.
Deux champions de l’innovation frugale
• Jugaad est le terme hindi pour système D – le D de débrouillardise. Ce mot indien est riche de synonymes, tant les habitants des pays en développement sont habitués à pallier, par leur ingéniosité quotidienne, le manque de ressources. Les « sandales Hô Chí Minh » du Viêtnam, ces tongs taillées dans de vieux pneus de camion, chaussent ainsi depuis longtemps de nombreuses populations pauvres. Le concept jugaad permet de théoriser et systématiser les pratiques matérielles et organisationnelles des millions de MacGyver sur Terre.
Le jugaad peut se voir comme un nouvel emballage du concept de l’innovation par le bas, popularisé, par exemple, par la firme 3M. Celle-ci dépose au minimum 1 000 brevets par an, avec comme vedettes historiques les Post-it ou l’enrouleur à scotch… Pour alimenter ce déluge de gadgets, 3M laisse tous ses employés disposer de 20 % de leur temps pour créer, et déposer le fruit de leurs expérimentations dans une boîte à idées.
Là où 3M ne sollicite que ses salariés, les VRP du jugaad entendent fédérer les idées du monde entier, créer un écosystème de collaboration mondiale.