Pourquoi les chercheurs des sciences sociales cultiveraient-ils un complexe d'infériorité vis-à-vis de leurs homologues des sciences dites dures ? Comme eux, ils disposent de puissants « télescopes » et de nombreux instruments de mesure : l'Insee, l'Ined, l'Ofce, etc. Soit des institutions créées à l'instigation des pouvoirs publics en vue de pourvoir les administrations en informations statistiques ou qualitatives (sur la population, la conjoncture, les modes de vie...). Leur désignation sous le nom d'« institut » ou d'« observatoire » en dit d'ailleurs long sur l'effet mimétique qui a dû présider à leur création.
Quoiqu'ils mobilisent des chercheurs en sciences sociales, ces organismes se distinguent des laboratoires et centres de recherche. Interface entre le monde universitaire et le monde de la décision, ils ont vocation à produire des données mais également à les diffuser auprès des administrations, des décideurs et du grand public.
L'Insee
(Institut national de la statistique et des études économiques). Créé en 1946, l'Insee, s'est vu confier plusieurs missions.
En premier lieu : pourvoir les ministères, les administrations, etc., en données de base sur la population en général, les entreprises et les ménages. C'est à cette fin que l'Insee réalise à intervalle régulier le recensement de la population et a conçu, dès 1954, une méthode de classification de la population active : la fameuse nomenclature des Catégories socioprofessionnelles ou CSP, devenues PCS en 1982.
Outre l'enquête annuelle de l'emploi, la constitution d'échantillons représentatifs permet à l'Insee de suivre également l'évolution dans de multiples autres domaines, comme par exemple les pratiques culturelles, tandis que la présence dans chaque région d'un observatoire économique régional autorise des enquêtes plus fines. Au total, l'Insee mobilise plusieurs centaines d'économistes statisticiens, ainsi que des sociologues.
Autre mission : informer les administrations et l'opinion sur l'évolution de la conjoncture (évolution de l'indice des prix à partir de 16 000 relevés mensuels, indices de la production). Un décret de 1946 fait de la diffusion de l'information une obligation de service public. Ce décret ménage du même coup l'indépendance de l'Insee : les enquêtes sont publiées sous son autorité et non sous celle de son ministère de tutelle (le ministère de l'Economie). Jusqu'à la création d'Economie et Statistique en 1969, cet effort se limitait à la publication de notes et de points de conjoncture. Depuis, une profusion de publications ont vu le jour : les Tableaux de l'économie française, rassemblant les indicateurs sur les évolutions conjoncturelle et structurelle de l'économie française ; Données sociales, qui offre tous les trois ans un « panorama de la société française et de son évolution » ; La France, portrait social... Autant de publications qui se sont rapidement imposées comme des outils indispensables aussi bien pour les chercheurs que les cabinets conseils ou les étudiants.