Galaxie Internet : le titre renvoie naturellement aux galaxies Gutenberg et Marconi imaginées quarante ans plus tôt par le sociologue canadien Marshall McLuhan (1911-1980) pour désigner les transformations suscitées respectivement par l'imprimerie puis les médias nés de l'électricité. M. McLuhan appartenait à la génération qui a « découvert » le poste à galène. Au moment où il fait paraître son célèbre livre, La Galaxie Gutenberg, en 1962, la télévision, le produit le plus abouti de l'« âge électronique » a pénétré les foyers. De même, Manuel Castells avait à peine plus de 25 ans quand est créé le réseau Arpanet, l'ancêtre d'Internet. Au moment où paraît son livre, ce dernier s'est depuis très largement démocratisé. Comme son illustre prédécesseur, M. Castells ne peut s'empêcher de voir dans le réseau des réseaux un mode de communication radicalement nouveau. De fait, ne permet-il pas d'échanger avec le plus grand nombre, à tout moment (principe de l'interactivité), de mettre en relation des textes mais aussi des images et des sons (principe de l'hypertexte et de l'hypermédia), d'entrer dans un environnement multidimensionnel (principe de la virtualité) ?
Le parallèle entre les deux ouvrages s'arrête là. Sous la plume de M. Castells, nul aphorisme dont le sociologue canadien avait le secret (comme par exemple « le média est le message »). Considérant que les nouvelles technologies modifient l'équilibre entre nos différents sens, le même M. McLuhan avait cru bon déduire de l'apparition de nouveaux médias l'avènement d'un homme nouveau. Nulle promesse de ce genre chez M. Castells. Ni même de village global dans lequel les individus abandonnés à eux-mêmes communieraient au rythme d'événements de portée planétaire. Nulle prédiction non plus. Et pour cause : « Internet est une technologie particulièrement malléable, susceptible d'être profondément modifiée par la pratique sociale et de nourrir en son sein une vaste gamme d'effets sociaux potentiels - à découvrir par l'expérience, et non à proclamer par avance. »
Enfin, depuis La Galaxie Gutenberg, quarante ans se sont écoulés et autant d'années de recherche sur les médias qui ont amené à relativiser le déterminisme technologique. M. Castells a manifestement fait siens cet enseignement. « Les individus, les institutions, les entreprises et la société en général transforment la technologie en se l'appropriant, en la soumettant à toutes sortes d'expériences. »