Internet, un idéal virtuel

Si le cyberespace se concevait comme un monde sans contrôle, les États et les firmes le transforment en un univers de surveillance digne de 1984. Comment l’utopie a-t-elle viré au cauchemar ?

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La Déclaration d’indépendance du cyberespace a été écrite en 1996 par un parolier du groupe de rock psychédélique The Grateful Dead, emblématique du mouvement hippie. Cette lettre ouverte s’adresse aux gouvernements de l’ancien monde, le monde physique, le monde « industriel ». Elle leur annonce que leur règne s’arrête aux portes du cyberespace, dans lequel les anciennes structures de pouvoir n’ont pas prise. Dans ce nouveau monde numérique, il n’y a et il n’y aura pas de gouvernement. Ses habitants peuvent se rencontrer, interagir, créer sans limites autres que leur imagination.

Le nouveau monde

L’utopie d’un monde libre et sans frontières, fondée sur de nouveaux moyens de communication, a été théorisée dès les années 1950 par les cybernéticiens ou par le théoricien des médias Marshall McLuhan. Elle est expérimentée dès les années 1960 dans les communes autogérées de la contreculture américaine, qui interagissent entre elles par de nouveaux médias, radios libres et gazettes participatives. Elle s’est réincarnée sous une forme technique, celle d’un réseau décentralisé à travers lequel humains et machines échangent de pair à pair. Elle répond en outre à la conscience grandissante de la crise écologique, décrivant un monde sans matière, dans lequel l’expérience n’est pas limitée par des ressources finies.

Dans leur fonctionnement imaginaire, la plupart des utopies s’appuient sur l’hypothèse d’une technologie futuriste. Cette technologie est souvent invisible, assurant l’abondance qui caractérise l’île Utopie, imaginée par Thomas More en 1516, permettant une forme de revenu universel. Elle est parfois visible, comme le télécran de 1984. Mais le cyberespace est la première utopie qui prend pour fin, et non pour moyen, une technologie : le réseau Internet.