John Bowlby est né en 1907, dans la haute bourgeoisie londonienne. Son père, médecin militaire et chirurgien privé du roi Georges V, est anobli en 1911. John est le quatrième d’une fratrie de six, et avec son frère Tony, à peine plus âgé, il semble avoir été le favori de sa mère. Celle-ci ne s’occupe cependant pas directement de ses enfants, confiés à des nurses comme le veut ce milieu. Elle les reçoit de 17 heures à 18 heures, au salon après le thé, et leur fait la lecture, partageant avec eux sa passion pour la nature, tout en assurant leur éducation morale et religieuse. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces rencontres quotidiennes étaient détendues et ludiques, l’exercice courant de l’autorité étant laissé aux nurses, et il apparaît que la relation de J. Bowlby à sa mère a été d’une grande complicité. Par contre, il ne voyait guère son père, sauf le dimanche, consacré à des sorties en famille. John a cependant été entouré par d’autres figures masculines, qui ont dû compenser la distance paternelle.
À 4 ans, John vit son premier deuil, sa nounou attitrée quitte la maisonnée. Il se retrouve à la garde de la gouvernante, femme dure et sarcastique, qui ne le ménage pas. À 12 ans, son parrain décède sous ses yeux d’une crise cardiaque lors d’un match de foot. Entre-temps, il est envoyé avec son frère en internat loin de la capitale pour éviter les bombardements de la guerre. John vit mal cet isolement dans une institution spartiate où s’associaient violence psychologique et châtiments corporels. Il dira de son enfance qu’elle l’a suffisamment blessé, même s’il n’en est pas sorti brisé. Il y a été sensibilisé à la détresse précoce face à la perte d’un être cher, ainsi qu’à la réalité et à l’impact de la violence psychologique.
Puis, il entre à l’école navale, dans la tradition militaire d’une partie de sa famille. Élève brillant, sportif accompli, il aime faire du théâtre, de la musique et se passionne pour l’observation des oiseaux. Assez vite lassé de ce cadre, cependant, il décide de faire médecine. Il découvre la psychanalyse, très en vogue à l’époque, s’intéresse à la psychologie pour laquelle il abandonne la médecine après deux ans. Il étudie la mémoire, sous l’égide d’un professeur convaincu que les expériences passées s’organisent en schémas qui influencent le présent et confèrent une importance majeure à la réalité des situations vécues.
Diplômé en 1928, il décide d’élargir ses connaissances en psychologie du développement et accepte un poste dans une école progressiste. Les châtiments corporels et autres violences à enfant sont bannis de cette institution où il reste quelques mois, enseignant les sciences et le jardinage ! Puis, il change d’établissement, souhaitant en apprendre davantage sur les enfants en vivant avec eux. Il découvre les préceptes du psychanalyste américain Homer Lane, pour qui les troubles sont liés aux erreurs éducatives, comme la délinquance, attribuée à un manque d’amour et de compréhension, et à une atmosphère familiale répressive et culpabilisante. Deux enfants le marquent profondément, l’un âgé de 7 ans le suit comme son ombre, l’autre, qui en a 16, paraît insensible et s’isole totalement. Petit délinquant, il est le fils illégitime d’une famille aisée. Pour ses éducateurs, son attitude est la conséquence de la privation affective qu’il subit.
L’entrée en psychanalyse
J. Bowlby décide alors de reprendre ses études de médecine pour devenir psychiatre pour enfant. Il a 22 ans. Parallèlement, il entreprend une psychanalyse au centre de formation de la Société britannique de psychanalyse. Joan Riviere, amie et disciple de Melanie Klein, lui est désignée comme analyste. Peu enclin par son caractère et sa formation universitaire à accepter des dogmes sans discuter, il a tendance à remettre en cause certains principes kleiniens comme le sadisme inné de l’enfant envers sa mère et l’absence de prise en compte de l’environnement familial dans la genèse des troubles. Son analyste se plaint de son manque de confiance et de son besoin de réfléchir et de vérifier par lui-même. Néanmoins, les débuts de J. Bowlby en tant que psychanalyste se font dans l’optique de M. Klein. Il lui rendra hommage pour ce qu’il a appris d’elle, notamment sur les capacités relationnelles du bébé et les notions de perte, de deuil et de dépression.