L'âge d'or du (sous-)développement

Avec les années 60 s'ouvre une nouvelle page dans l'histoire des pays du Sud. En Afrique et en Asie, la plupart des colonies ont ou viennent d'accéder à leur indépendance.

Mais dans le nouvel ordre économique international qui se dessine, toutes ne sont pas logées à la même enseigne. C'est ce qu'atteste la batterie d'indicateurs élaborés au même moment par les organisations internationales : taux d'alphabétisation, accès à l'eau potable, revenu par tête d'habitant... Dès 1962, l'Assemblée générale de l'Onu proclame la décennie des Nations unies pour le développement. Cependant, la possibilité pour les pays décolonisés de rattraper leurs anciennes métropoles ne fait aucun doute.

Au seuil des années 60, la théorie des avantages comparatifs élaborée au cours du siècle passé, par David Ricardo, sert encore de référence. Or, elle est formelle : en se spécialisant, chaque pays est assuré de prospérer en tirant profit du commerce international. Spécialisation ou pas, tout pays est tôt ou tard amené à accéder à la société de consommation de masse. Telle est la thèse couramment admise et résumée par l'Américain Walt W. Rostow dans son célèbre livre paru en 1960 et traduit en France dès l'année 1963 : Les Etapes de la croissance économique.

Ce sont justement l'une et l'autre de ces approches qui vont être brutalement remises en cause tout au long des années 60-70 : tandis que la vision ricardienne se voit reprocher son caractère a-historique (elle ne prend pas en compte les trajectoires nationales), celle de Rostow est jugée par trop évolutionniste (elle suppose une marche linéaire et universelle pour toutes les sociétés). Elaborée en référence aux vieux pays industrialisés, elles n'apparaissent plus adaptées pour comprendre la situation particulière des pays anciennement colonisés.