Au cours des cinquante dernières années, 2 300 milliards de dollars actuels ont été consacrés à l’aide internationale au développement et à la lutte contre la pauvreté. Des sommes colossales, mais des résultats bien maigres. La pauvreté a certes reculé, mais un continent comme l’Afrique est encore largement à la peine, et subit de nombreux fléaux : épidémies, malnutrition, accès à l’eau potable difficile… Les pays donateurs, les institutions internationales et les ONG n’en font-ils pas assez ? Faut-il dépenser encore plus ?
Certainement pas, s’exclame l’économiste William Easterly. Ancien employé de la Banque mondiale, il a formulé dans deux livres (1) (et de nombreux articles) l’une des critiques les plus radicales de l’aide au développement telle qu’elle se pratique aujourd’hui. Selon lui, le problème est avant tout organisationnel. L’aide internationale a en effet généré un vaste complexe bureaucratique qui, selon W. Easterly, cumule les défauts. Un, il est centralisé, et donc coupé des réalités sur lesquels il prétend agir. Deux, l’enchevêtrement des agences et la complexité des procédures font qu’au final personne n’est responsable si l’aide n’arrive pas à bon port (mais de quoi peut-on être responsable lorsque l’on est généreux ?). Ce qui est souvent le cas, puisqu’elle s’appuie souvent sur des gouvernements corrompus qui détournent les fonds. Trois, à aucun moment il n’est prévu d’aller demander son avis au « client », le « pauvre », pour savoir si l’aide lui a été vraiment utile, où l’interroger sur ce dont il aurait vraiment besoin. Jamais enfin la lutte contre la pauvreté n’est évaluée de façon indépendante et objective.