Dans quel sens peut-on parler d'une moralisation des relations internationales ?
Le libéralisme économique et politique est le vainqueur de la guerre froide et ses tenants sont désireux d'affirmer une morale de l'autonomie et de la liberté. Par ailleurs, le monde postbipolaire est un monde essentiellement multicentré et composé d'une grande diversité d'acteurs qui tentent de faire valoir leur vision du juste et du bien.
Dans ce système unipolaire, les Etats-Unis sont sans cesse tenus de justifier leurs valeurs, la morale étant un des registres majeurs de cette opération. Le wilsonisme est ce registre discursif et pratique. Désireux de réformer le monde, les Etats-Unis récompensent leurs partenaires ou punissent les parias. Ils lancent des croisades en faveur de la démocratie et font grand usage du droit international, notamment en matière d'embargos. A partir du 11 septembre, ce wilsonisme s'infléchit, devenant, comme le souligne Pierre Hassner, un « wilsonisme botté ».
Le registre moral dont le wilsonisme est une des facettes caractérise aussi les protagonistes de l'univers non gouvernemental, tout aussi constitutif de ce tropisme américain. Des ONG, des avocats, des fondations, des think tanks, des mouvements communautaires, des agences de la finance éthique sont animés par ce même grand dessein de réforme. Un trait commun : ils demandent aux institutions de « rendre des comptes » des méfaits passés ou présents qui leur sont imputés. Cette raison d'être est cohérente avec la vision libérale d'un espace public concurrentiel où prime la délibération.