Louis XV tua, rapporte-t-on, plus de dix mille cerfs en plus d’un demi-siècle de règne. Mieux : il se délecta de leurs testicules et empila leurs massacres (tête et bois) en ses logis, se comportant en son sérail de concubines tel un cervidé polygame à la tête de sa harde. Cette circulation du sang et du sperme nourrissait la puissance du roi. Elle symbolisait un rapport particulier au sauvage, à l’altérité, qui valut à Louis XV d’être honni à la Révolution : ses dépenses de « roi cerf » auraient mené l’État à la banqueroute. Aujourd’hui, dans les forêts du Perche, se jouent d’autres conflits. Ils opposent ceux qui pratiquent la chasse à courre, cavaliers issus de la bourgeoisie locale et chiens hurlant sur les traces des cerfs, aux militants animalistes, engagés dans la dénonciation voire la lutte contre une pratique qu’ils dénoncent comme barbare. Un troisième parti, les suiveurs, issus de milieux populaires, assiste les veneurs en perpétuant des traditions de familiarité avec le milieu sylvestre. Sans doute ces suiveurs, auxquels échouent les tâches de rabattage et de dépeçage du gibier, méprisés tant par les cavaliers chasseurs que par les militants naturalistes, sont-ils des trois parties ceux qui connaissent le mieux l’éthologie des animaux traqués.