« Entre le viiie et le xve siècle, la recherche scientifique la plus avancée se faisait en arabe. L'arabe était alors la langue de la science, depuis l'Espagne jusqu'aux confins de la Chine », écrit Roshdi Rashed, qui a dirigé le monumental Histoire des sciences arabes (trois tomes parus chez Seuil en 1997). Au siècle passé, les historiens occidentaux comme Ernest Renan considéraient la science arabe comme un simple relais entre la science grecque et la Renaissance occidentale. Excepté l'invention de l'algèbre, les savants de langue arabe n'auraient fait que transmettre l'héritage grec - Ptolémée, Aristote, Hippocrate, Euclide - et quelques autres aux Occidentaux. On sait désormais qu'il n'en est rien. Les recherches des historiens contribuent à montrer combien les arabes ont non seulement préparé, parfois devancé, et rendu possible la révolution scientifique du xviie siècle. Et ce, dans de nombreux domaines : mathématiques, astronomie, chimie et médecine.
Mais qu'est-ce que la science arabe ?
La science arabe ? On désigne ainsi toutes les productions savantes en langue arabe entre le viiie et le xve siècle. Rappelons qu'à la suite de l'effondrement de l'Empire romain, la vie intellectuelle s'était presque éteinte en Occident. La pensée est restée confinée pendant plusieurs siècles aux monastères, où la place de la science était presque inexistante. En Orient, une vie intellectuelle se maintient dans les grands centres urbains. Dès le ve siècle, dans l'Empire sassanide (Iran actuel), à la frontière de l'Empire byzantin, fleurit une culture originale. Elle bénéficie des apports des civilisations grecque, indienne et chinoise, mais s'effondrera à la conquête musulmane.
En quelques décennies, à partir de la mort du prophète Mahomet (en 632), l'islam va s'étendre à tout le Moyen-Orient, à l'Afrique du Nord et à l'Espagne. Les souverains arabes prennent possession des grandes cités et imposent l'arabe comme langue officielle et langue de la culture. Ces princes arabes sont des esprits éclairés. Ils favorisent les arts, les lettres et les sciences. Ils construisent de grandes bibliothèques, font traduire en arabe des ouvrages grecs, indiens, égyptiens, byzantins, syriaques, etc. Bagdad, puis plus tard Le Caire et Cordoue, deviennent des centres intellectuels prestigieux où les princes et les califes côtoient les hommes de lettres, les mathématiciens, les astronomes et les grands médecins.