Nous aimons croire à notre propre rationalité et pourtant, au quotidien, nous n’en faisons pas si souvent preuve. Pour cela, nul besoin d’être influencé par les autres : les mauvais choix que nous faisons alors que tout nous indique de rebrousser chemin, les fois où nous restons sur nos positions face aux arguments solides de l’interlocuteur, où nous jugeons hâtivement, et à tort, quelque chose ou quelqu’un… Tout cela, nous y parvenons tout seuls, et très bien ! Mais qu’est-ce qui nous engage à maintenir et reproduire ces comportements irrationnels, inefficaces, voire contre-productifs ? Bien sûr, notre cerveau conservant des traces de son évolution, des régions ancestrales, liées à la survie puis aux émotions, interviennent parfois dans ces comportements irrationnels. Mais la réalité est plus complexe et ces mécanismes font intervenir des facteurs intrinsèques (biologiques et sociaux), et des facteurs extrinsèques, dont la nature peut être assez surprenante…
Nous sommes amenés à prendre continuellement des décisions tout en étant bombardés par une multitude d’informations. Or, les processus de décision rationnelle sont lents, coûteux en énergie, et ne nous permettent pas de suivre la cadence. Il nous faut souvent pouvoir prendre des décisions rapidement, inconsciemment et automatiquement. Cette idée de système lent/système rapide a été popularisée par le psychologue et prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, dans Système 1/système 2 (1). Il y explique comment, par principe d’économie, notre système 1 (automatique, intuitif et relativement inconscient) se charge de la plupart de nos décisions. Le système 2 (analytique et conscient) est plus rarement utilisé, uniquement dans les situations nouvelles ou dans lesquelles un comportement automatique ne suffit pas. Notre système 1 dépend énormément de l’expérience et fonctionne par association et analogie ; c’est ce qui lui permet de comprendre le monde rapidement, sans devoir tenir compte de toutes les informations présentes. Notre cerveau préférera toujours l’option du moindre effort, car elle se révèle efficace pour la plupart des choix simples. Le problème, c’est que ce mode automatique est très facile à duper, notamment par des biais cognitifs.