Au sens économique du terme, la mondialisation désigne le processus d'intégration des marchés nationaux dans une seule et même économie mondiale : les marchés des biens et des services, les marchés financiers, et dans une certaine mesure les marchés du travail. Une telle économie ne signifiant pas nécessairement la convergence des économies nationales vers un même modèle unique mais leur interdépendance croissante. Plusieurs indicateurs chiffrés ont accrédité l'idée d'une accélération de cette mondialisation au cours de ces vingt ou trente dernières années : la croissance du commerce international, d'une part, celle des investissements directs à l'étranger (IDE), d'autre part. En soulignant l'interdépendance des économies nationales, les crises financières répétées de ces dernières années (krach de 1987, crise asiatique de 1997-1998 qui s'est étendue à la Russie et certains pays d'Amérique latine, crises mexicaines) et la rapidité de leur contagion à travers le monde ont également accrédité l'idée d'une économie désormais mondialisée.
La mondialisation ainsi définie ne remet-elle pas à terme en cause l'analyse en termes d'« économies nationales » et d'« économie internationale » ? La question est en fait ancienne. Elle a été soulevée par l'essor de firmes multinationales. Dès 1976, l'économiste Charles-Albert Michalet signale le rôle croissant de ces firmes en allant jusqu'à vouloir « renverser » le vieux paradigme de l'économie internationale pour lui substituer celui de l'économie mondiale 1. Dans un ouvrage plus récent, Qu'est-ce que la mondialisation ? il distingue une « configuration globale » de la mondialisation en passe de succéder à une « configuration multi-nationale », caractéristique des trente glorieuses, qui elle-même avait succédé à la « configuration inter-nationale » héritée du xixe siècle. Avant lui, un autre économiste, François Perroux, dans son ouvrage sur L'Economie du xxe siècle 2 suggérait déjà l'émergence d'une économie mondiale et non plus internationale. En fait, la remise en cause des économies nationales et internationales avait été anticipée par des économistes du xixe siècle à commencer par Karl Marx lui-même qui, dans Le Manifeste du parti communiste de 1848 écrit : « Par l'exploitation du marché mondial la bourgeoisie donne un caractère cosmopolitique à la production et à la consommation de sa base nationale [...]. A la place de l'ancien isolement local et national se développe un trafic universel, une dépendance mutuelle des nations. »
Plusieurs changements intervenus dans les années 1980-1990 n'ont fait qu'accréditer cette idée : l'essor de la globalisation financière, le décollage des pays émergents, en Amérique Latine et en Asie du Sud-Est, sans oublier l'effondrement de l'URSS et l'éclatement du tiers-monde. A partir des années 90, une organisation internationale, l'OCDE, tire les conclusions de ce changement de contexte en tendant à parler de globalisation en lieu et place d'« internationalisation des capitaux ». Par là, observe René Dagorn, l'OCDE prend acte du fait que « la circulation des capitaux n'est plus " internationale " au sens où elle ne dépend plus de règles fixées par les nations mais qu'elle est globale : elle déborde les cadres classiques des relations entre Etats pour se développer dans un transnational intégré à l'échelle monde 3 ».
Un tel changement amène tout naturellement à s'interroger sur la pertinence des indicateurs habituellement utilisés pour rendre compte de la mondialisation (à savoir les échanges commerciaux et les investissements directs à l'étranger) dans la mesure où ils sont calculés précisément en référence au cadre national.