Comment l'a-t-on découvert ?
Le mot « placebo » signifie, en latin, « je plairai » et apparaît dans le psaume 114 : « Parce qu'Il a écarté mon âme de la mort, les larmes de mes yeux, mes pieds de la chute [...], je plairai au Seigneur dans le monde des vivants. » Le mot placebo évoque bien ici une guérison, dont l'auteur du psaume rend grâce à Dieu. Telle est la conception du Moyen Age, qu'exprime la célèbre formule d'Ambroise Paré : « Je le pansai, Dieu le guérit. »
Du domaine religieux, le mot placebo passe au domaine laïque : « faire du placebo », c'est flatter. C'est seulement à la fin du xviiie siècle que le mot gagne le domaine médical - aux Etats-Unis ; en 1811, le dictionnaire médical Hooper en donne comme définition : « Nom donné à toute médecine prescrite pour plaire au patient et non pour le guérir. »
Si le mot est nouveau venu dans le domaine médical, la pratique, elle, est ancienne : nombre de médecins prescrivaient de la mie de pain ou d'autres substances inertes (voir ci-contre). Ce qui ne posait guère problème car, pendant des siècles, nul ne s'est soucié de prouver l'efficacité d'un remède. On prescrivait telle drogue pour soigner tel mal par tradition - du sang de lézard, du sperme de grenouille... - ou en vertu de théories, telle celle des « signatures », professée par Paracelse, célèbre médecin du xvie siècle : des fleurs jaunes pour soigner la jaunisse, de la terre rouge pour les hémorragies... La première démonstration de l'efficacité d'un remède est due à un médecin de marine anglais, James Lind : en 1747, il prouve que l'on peut à la fois prévenir et guérir le scorbut en introduisant oranges et citrons dans l'alimentation des marins au long cours (ce que fit la Royal Navy en... 1795). Mais il faut attendre le xxe siècle pour voir apparaître les évaluations comparatives : en 1916, Macht compare l'effet de la morphine à celui d'une solution salée; en 1932, Paul Martini prescrit explicitement le recours à des comprimés identiques à ceux que l'on veut tester, pour démontrer l'efficacité supérieure de ceux-ci. C'est admettre que n'importe quel produit, même neutre, est susceptible d'avoir un effet thérapeutique dès lors qu'il est présenté comme un médicament ; c'est cela qu'on appelle « effet placebo ». Donc, pour évaluer correctement un médicament, il faut le comparer à un pseudomédicament : l'effet placebo étant commun aux deux, le remède testé doit prouver qu'il exerce un effet positif « en plus ».