Après avoir été pendant trois siècles une religion minoritaire, et persécutée, le christianisme a conquis le pouvoir dans l’Empire. Le moment clé est la conversion de l’empereur Constantin en 313. Soixante ans plus tard, l’empereur Théodose en fait la religion officielle et unique. « Tous les peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre », énonce l’édit de 380. La chasse aux païens est ouverte, s’attaquant autant aux religions orientales qu’aux philosophies grecques et aux savoirs anciens. Partout dans l’Empire, des temples sont détruits ou reconvertis en églises, des statues païennes sont démolies, des milliers de livres jugés hérétiques sont proscrits.
En l’an 415, à Alexandrie, une milice de fanatiques chrétiens saccage la grande bibliothèque et, Hypatie, la mathématicienne et astronome qui dirige l’école néo-platonicienne, est arrêtée, tuée et démembrée. Saint Augustin, futur père de l’Église, s’en prend aux « académiciens » qui professent le scepticisme 1 – c’est-à-dire l’esprit critique –, coupables selon lui de semer le trouble dans les esprits. Dans La Cité de Dieu (413-426), il présente la soif de connaissance (libido sciendi) comme une forme de concupiscence, au même titre que le désir de la chair (libido sentiendi) ou la soif de pouvoir (lidibo dominandi). Il est des territoires du savoir sur lesquels l’intelligence ne doit pas chercher à trop s’aventurer. Seule la foi sauve les âmes.
L’empereur Justinien, qui régna de 527 à 565, poursuit la répression contre les idées non conformes. Par l’ordonnance de 529, il fait fermer les écoles d’Athènes, dont l’Académie ou le Lycée fondées par Platon et Aristote des siècles plus tôt, et qui étaient encore actives. Les philosophes trouvent alors refuge dans l’Empire perse, notamment à Harran.
Certes, tout le clergé n’est pas hostile à la pensée antique. Des échanges ont lieu entre philosophes et intellectuels chrétiens 2. Ils aboutissent notamment à une synthèse entre Platon et la Bible. Mais la part congrue réservée à la philosophie ou aux sciences, durant les premiers siècles du christianisme, ne peut exister que comme servante de la foi.