Les sciences de la vie ont connu, au XIXe siècle, un essor considérable. Le développement de la physiologie expérimentale, les naissances de l'embryologie scientifique, de la paléontologie et de l'évolutionnisme, de la cytologie et de la bactériologie datent de cette période. C'est aussi l'époque de la fondation de grandes institutions de recherche, comme le Muséum d'histoire naturelle et l'Institut Pasteur. D'autres, moins connues, comme les stations maritimes (une douzaine créées entre 1859 et 1900), contribueront à la découverte d'un nouveau monde, celui de la faune et de la flore marines, et à travers elles, à la fondation d'une biologie expérimentale.
Bien que toute périodisation relève de l'arbitraire, on peut dire que le xixe siècle biologique commence en 1793 et finit en 1906. L'année 1793 est celle du décret de la Convention créant le Muséum national d'histoire naturelle et instituant treize postes de professeurs administrateurs. Parmi ceux qui occuperont cette charge, plusieurs vont jouer un rôle fondamental dans le développement des sciences du vivant : Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829), Georges Cuvier (1769-1832) et Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844). L'année 1906, elle, marque une coupure d'un autre genre : c'est l'année où le naturaliste William Bateson (1861-1926) baptise génétique une nouvelle discipline développée par un groupe de biologistes et de praticiens de l'horticulture. La génétique sera, comme on le sait, la principale science de la vie au xxe siècle.
Le terme même de biologie, inventé par le géographe T.G.A. Roose en 1797, est défini par Lamarck en 1800 : le mot désigne alors la science des corps vivants. Mais il aura quelque mal à s'imposer et à se préciser. Au xixe siècle, en effet, la physiologie, avec à sa tête Claude Bernard (1813-1878), tend à occuper le devant de la scène et à occulter les autres disciplines. Son legs sera considérable pour les sciences de la vie puisqu'il amènera, suivant la formule de l'historien Mirko Grmek, un concept clé : celui de « milieu intérieur ». Cette prépondérance n'empêche d'ailleurs pas Charles Robin (1821-1885) et un groupe de médecins appartenant à une mouvance positiviste de fonder la Société de biologie vers le milieu du siècle. Dans ce lieu privilégié viendront s'exprimer les physiologistes et les représentants des sciences de la vie pour y diffuser les derniers résultats de leurs recherches dans le bulletin de la Société.
La nécessité de classer les productions terrestres
Pour autant, le terme biologie ne prendra sa signification moderne qu'au cours des années 1890. Yves Delage (1854-1920) fonde la revue L'Année biologique. C'est à travers ce type de revues que les sciences de la vie deviennent une affaire internationale, et si les biologistes le savaient depuis longtemps, il leur manquait ce bulletin signalétique, source précieuse d'information et d'inspiration.
De 1790 aux années 1820, les sciences du vivant connaissent un changement important. C'est le passage d'une vision statique propre au xviiie siècle à une conception dynamique du vivant qui s'imposera au xixe siècle.
L'une des préoccupations majeures des naturalistes de la fin du xviiie siècle restait celle de la classification des productions terrestres minérales, végétales et animales. La nécessité de mettre un ordre dans la diversité des matériaux et des organismes naturels, en les classant méthodiquement et en les nommant, répondait au besoin des naturalistes, des anatomistes, des médecins, des minéralogistes et des chimistes de donner une identité universelle à l'objet de leurs études. Les musées d'histoire naturelle créés à l'époque sont les conservatoires de ces identités. Mais ils fournissent aussi le moyen d'étudier de près l'anatomie, les fonctionnements et les moeurs des espèces naturelles, et c'est grâce à ces observations plus poussées que l'histoire naturelle se transforme en sciences naturelles, berceau de la biologie générale.
Parmi les fondateurs de ces nouvelles sciences au Muséum, le plus âgé des trois, J.-B. Lamarck, est botaniste, auteur en 1778 d'une remarquable Flore française. Toutefois, c'est la chaire de zoologie (insectes, vers, animaux microscopiques) qu'on lui confie en 1793. Il a pour mission de mettre de l'ordre dans les collections, en particulier de coquilles. Cet exercice le mènera à une nouvelle façon de penser le vivant, le transformisme, qu'il présente en 1809 dans un ouvrage devenu classique, La Philosophie zoologique.