« La sécurité, c’est la première des libertés. C’est pour cette raison que d’autres libertés ont été ou peuvent être temporairement limitées (…). » En réponse à une seconde vague d’attaques jihadistes sur le territoire français en novembre 2015, Manuel Valls appelait par ces mots l’Assemblée nationale à voter la prorogation de l’état d’urgence. Un dispositif, précisait-il, aux « moyens (et) procédures exceptionnels ».
Alors que deux craintes renaissent et se confrontent, celle de nouveaux attentats sur le sol français et celle d’une contraction durable des libertés publiques à la faveur d’une surréaction étatique, l’ouvrage Justice d’exception offre un angle d’attaque inédit. Son auteure, Vanessa Codaccioni, se livre à l’autopsie d’une juridiction aujourd’hui disparue, la Cour de sûreté de l’État. Faire l’histoire de ce tribunal d’exception revient à étudier la logique sécuritaire déployée par l’État français contre ses « ennemis intérieurs » successifs, depuis la fin de la guerre d’Algérie jusqu’à sa suppression en 1981. Pour la politologue, cette juridiction a laissé un legs fort dans le droit français : l’idée qu’une population-cible peut être jugée à l’aune d’un « droit commun d’exception » dérogatoire, lequel prend essentiellement aujourd’hui la forme de l’« antiterrorisme ». La Cour de sûreté a ainsi permis d’infléchir durablement le droit français en y intégrant la justice d’exception.