Sciences Humaines : Vous êtes chercheur en éthologie, et adoptez plus particulièrement l'approche de l'éthologie cognitive pour étudier le chant des étourneaux. La première question que l'on peut se poser est : pourquoi l'étourneau ?
Martine Hausberger : En éthologie, on choisit une espèce en fonction de ce que l'on sait de son mode de vie et de la façon dont un de ses comportements s'y inscrit. L'étourneau nous intéresse parce que c'est un animal à la vie sociale riche, et au système de communication complexe. C'est donc un bon modèle pour poser une question très générale : quel est le lien entre la communication et la vie sociale ?
Dans notre discipline, le questionnement scientifique progresse par différentes étapes. La première d'entre elles consiste à observer l'animal dans son milieu naturel, pendant de nombreuses années et dans différentes populations, pour décrire le répertoire de chant de l'espèce, le contexte dans lequel il est émis, les constantes et la variabilité du système de communication. L'observation est l'étape de base en éthologie : décrire pour mieux poser les questions après.
Le chant de l'étourneau est assez particulier : il comprend certains éléments universels, que l'on trouve dans toutes les populations au monde, en particulier chez les mâles. Certaines catégories de chant se retrouvent également partout. Mais en plus il existe des variations géographiques, que l'on appelle par analogie « dialectes », qui vont d'une échelle de cinq à dix mètres carrés pour un thème de chant à une centaine de kilomètres carrés pour un autre type de chant.
On sait par ailleurs que cette espèce est très sociale. Les étourneaux vivent, se reproduisent, se nourrissent en colonies, dorment en grands dortoirs de plusieurs milliers ou plusieurs millions d'oiseaux. Et quand ils sont en groupes, ils chantent beaucoup. Il semble en fait que le chant soit une sorte de mot de passe social, car on s'aperçoit que des animaux de même dialecte se regroupent au sein du dortoir.