Entretien avec Vladimir Kolossov

L'Europe vue de Moscou

Sciences Humaines : Quelles sont les limites de l'Europe orientale ? La Russie en fait-elle partie ?

Vladimir Kolossov : Tout le monde sait où commence l'Europe, mais ses frontières orientales font encore l'objet d'intenses débats académiques et politiques. Pour la majorité des Russes, cette question n'existe pas, ils ont le sentiment d'appartenir au monde européen. Après l'invasion tataro-mongole du xiie siècle qui a séparé les principautés des Slaves orientaux du reste de l'Europe, la Russie a tenté, pendant plusieurs siècles, de « percer la fenêtre sur l'Europe » en accédant aux mers Baltique et Noire et en multipliant les contacts avec les Etats européens.

Aujourd'hui, plus que jamais, l'orientation européenne est dominante chez les dirigeants comme au sein de l'opposition. Cela ne veut certes pas dire que le courant « eurasiatique » a perdu de son influence.

Mais il existe des réalités qu'on ne peut pas ignorer. Selon les statistiques officielles, c'est l'Allemagne, et non l'Ukraine voisine, qui est le principal partenaire commercial de la Russie. Qu'il s'agisse des vols internationaux, des télécommunications, du trafic ferroviaire ou routier, tous les indicateurs qui décrivent les flux à destination et en provenance de la Russie montrent que celle-ci est résolument tournée vers l'Europe occidentale.