Ce livre très mince, tiré d'une conférence de Jean-Paul Sartre, occupe une place singulière dans le panthéon des textes philosophiques : à la fois philosophie provocante de la liberté, résumé de la doctrine existentialiste et réponse de Sartre aux attaques inévitables qui visèrent un courant devenu dans les années 50 une véritable mode.
Mais plus encore, pour le novice, il constitue une entrée idéale en philosophie. Ce n'est pas un hasard si les professeurs de philosophie l'étudient si souvent : la langue de Sartre y est claire, précise et illustrée, et le propos force le lecteur à prendre position. Comme l'écrit Sartre lui-même, « l'existentialisme n'est pas autre chose qu'un effort pour tirer toutes les conséquences d'une position athée cohérente ». En effet, si comme l'a annoncé Nietzsche, « Dieu est mort », alors, pour Sartre, « l'homme est condamné à être libre ». Rien - ni Dieu ni destin - ne détermine par avance son essence, sa vérité ou sa nature, son courage ou sa lâcheté : c'est l'existence qui est première et ce que chacun de nous, jour après jour, nous en ferons. Ce n'est qu'au terme d'une vie que nous pourrons juger : nous ne sommes rien d'autre que la suite de nos actions. Chez Sartre, invoquer un déterminisme pour justifier un état de fait devient au mieux de la « mauvaise foi », au pire la marque d'un état d'esprit de « salaud » : ainsi qualifie-t-il celui qui refuse d'assumer la responsabilité totale de ce qu'il fait de son existence. On comprend mieux les difficultés rencontrées par Sartre pour réconcilier marxisme et existentialisme...