L'Homme pluriel. Les ressorts de l'action

Bernard LahireNathan, coll. «Essais et recherches», 1998, 270 p., 139 F.

L'Être humain est-il soluble dans son milieu d'appartenance ? C'est ce que pense pouvoir affirmer la sociologie lorsqu'elle montre d'étroites correspondances entre l'origine sociale d'un individu issu de milieu populaire et ses (faibles) chances de réussir l'entrée dans une grande école, entre les modes de socialisation d'un groupe social (les cadres par exemple) et les pratiques culturelles associées (écouter du jazz plutôt que de l'accordéon musette), entre une façon de s'exprimer (élégante ou argotique) et un milieu social donné (la bourgeoisie ou l'univers de la banlieue).

Pour un sociologue comme Pierre Bourdieu, cette liaison - repérable statistiquement - entre milieu de vie et comportement s'explique notamment par la prégnance de « l'habitus ».

Rappelons que l'habitus est défini par le sociologue comme un ensemble de dispositions acquises au cours du temps et qui nous permette de percevoir, d'agir et évoluer dans un univers social donné.

Mais comment expliquer dans cette optique certaines « anomalies » statistiques : les étonnantes réussites scolaires de certains élèves issus de milieux défavorisés, les différences parfois importantes d'itinéraires entre individus issus d'une même fratrie, les changements parfois brutaux de conduites (façon de parler, de se tenir, de se comporter) d'une personne passant de son bureau à son foyer, du statut de professeur autoritaire à celui de père de famille débonnaire ?

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C'est à ce type de questions que Bernard Lahire, professeur de sociologie à Lyon-II entreprend de répondre en proposant un cadre de réflexion sur le thème de « l'acteur pluriel ».

La pensée de B. Lahire s'inscrit explicitement dans la perspective d'un dépassement critique du modèle de « l'habitus » de Pierre Bourdieu - programme d'action qui associe étroitement un apprentissage social à un style de vie donné.

La critique de la notion d'habitus s'articule autour de trois axes :

- chaque acteur social dispose non pas d'un seul mais d'une multiplicité d'habitus liée à la diversité de ses univers de socialisation;

- les actions « programmées » par l'habitus coexistent quotidiennement avec toute une gamme d'actions qui, elles, sont pensées, planifiées, réfléchies;