Tout auréolé du succès de La Chute finale (1976), dans lequel il annonçait l'effondrement du régime soviétique, Emmanuel Todd entreprenait une analyse décapante de l'Europe à partir des structures familiales : la famille souche, autoritaire et inégalitaire ; la famille communautaire, autoritaire et égalitaire ; la famille nucléaire libérale et égalitaire ; enfin, la famille nucléaire absolue. Et Todd de montrer comment la répartition de ces structures à travers le Vieux Continent a pu conditionner l'influence des religions, l'essor du capitalisme, l'adhésion à certaines idéologies : alors que le libéralisme s'est diffusé dans les pays où domine la famille nucléaire (pays anglo-saxons), le communisme s'est, lui, durablement installé là où la famille communautaire dominait (Russie, Europe de l'Est...). Certes, le contexte a beaucoup changé depuis, mais force est de constater que, d'un pays européen à l'autre, les évolutions se poursuivent selon des rythmes variables qui sont liés précisément au degré d'individualisme ou d'anti-individualisme hérité des structures familiales... Faute de prendre en compte ce « refoulé de la conscience politique », les Européens, prévenait Todd, peineront à bâtir une citoyenneté commune.
Article issu du dossier
La Bibliothèque idéale des Sciences humaines.
446 articles