L'invention de la violence

L’Invention
 de la violence.
 Des peurs, des chiffres, des faits
. Laurent Mucchielli
, Fayard, 2011, 340 p., 20 €.

Est-il vrai que la violence gagne la société française ? Face à un alarmisme fréquent, 
Laurent Mucchielli invite le lecteur à ne pas confondre faits divers et faits sociaux. 
Sans être optimiste, le tableau est un peu plus rassurant.

En France, le débat sur la violence ordinaire est solidement polarisé. Citoyens et experts se divisent volontiers en deux camps. D’un côté, des voix alarmistes dénonçant la montée d’une délinquance anomique et violente imputée à certaines catégories de personnes, et contre laquelle il serait urgent de sévir. De l’autre, des réfractaires protestant contre la stigmatisation, et s’indignant des effets délétères des choix opérés en matière de politiques répressives. Disons-le tout de suite, Laurent Mucchielli appartient plutôt au second camp, mais on aurait tort de ne voir en lui qu’une « belle âme » d’essayiste compatissant. Sociologue au Cesdip, il mène depuis quinze ans des études serrées sur les questions de justice, de police, de délinquance et de leurs déterminants médiatiques, politiques et sociaux. Il fait donc les cho­ses dans les règles, et ce livre, après bien d’autres sur le sujet, vient mettre quelques points sur les i. Depuis trente ans, en effet, la thématique de l’insécurité est venue occuper, en France, le devant de la scène, aussi bien dans l’opinion que dans les médias et dans les programmes des partis politiques. Quels sont les faits qu’elle recouvre, comment sont-ils évalués, et pourquoi ont-ils gagné cette visibilité ? L. Mucchielli nous prévient, vouloir répondre à ces interrogations, c’est déjà se risquer en terrain miné : si, selon certains, expliquer la délinquance, c’est déjà l’excuser, alors il reste peu de place pour un débat éclairé et impartial. On peut s’y risquer néanmoins, à condition d’accepter l’idée que l’insécurité et la violence sont des faits vécus, mais aussi construits, c’est-à-dire des « faits sociologiques ». À ce propos, L. Mucchielli a au moins trois grandes remarques à faire.