La digue céda le sixième jour du sixième mois de la huitième année du règne de l’empereur Renzong – le 19 juillet 1048. Une brèche large de 700 mètres, par laquelle s’engouffra le fleuve Jaune en crue. Dans sa fureur, le dragon liquide retrouva un cours ancien, que les ouvrages humains et ses propres alluvions avaient barré depuis un millénaire. Il dévasta la riche province du Hebei, submergeant les récoltes, noyant les villageois. L’événement, détaillé par l’historienne Ling Zhang, causa un million de morts, en comptant ceux qui furent emportés par les éléments, et ceux qui périrent d’inanition ou de maladies suite au désastre.
Un monde d’avances technologiques
L’État des Song était alors au faîte de sa puissance. Sa population avait doublé en un siècle et regroupait le tiers des 300 millions d’humains vivant sur Terre en ce milieu de 11e siècle. Il avait développé l’imprimerie, inventée trois siècles auparavant, à un degré inégalé. Au point qu’il imprimait des manuels d’agronomie afin de doper son agriculture, comme des recueils de textes classiques préparant aux concours administratifs, ainsi que des billets bancaires. En cela, l’Empire du Milieu devançait l’Europe de l’Ouest de huit siècles.
En matière de sidérurgie, son avance était encore plus frappante. Les archives ont permis d’identifier l’existence de 700 hauts fourneaux. Une invention chinoise, attestée à partir du 5e siècle avant notre ère, qui n’atteindrait l’Europe qu’au 14e siècle. Des familles marchandes veillaient à l’extraction du fer et de la houille. D’autres marchands écoulaient les produits de cette industrie, pour partie contrôlée par l’État : des socs métalliques autorisant une agriculture intensive, des casseroles permettant de stériliser l’eau et favorisant la diffusion de l’extraordinaire breuvage qu’était le thé… À bien des égards, comme l’a indiqué l’historien Robert Hartwell, ce monde des Song préfigurait l’Europe du 18e siècle, juste avant son industrialisation.