La démocratie est-elle en crise ?

Impuissance politique, manque de confiance des citoyens vis-à-vis de la classe dirigeante..., la démocratie ne se porte pas bien. Comment expliquer cette apathie ? Et surtout, peut-on y remédier ?
Il n’y a pas même vingt ans, avec en particulier la chute du mur de Berlin, le triomphe de la démocratie semblait achevé. Aujourd’hui, le discours euphorique est devenu amer. La démocratie n’a pas tenu toutes ses promesses. Les interventions en Afghanistan ou en Irak après le 11 septembre 2001 l’ont instrumentalisée afin de satisfaire des intérêts impérialistes peu louables. Le centre du monde se déporte insensiblement vers une Chine dont la croissance économique ne favorise en rien la démocratisation. Plus grave encore, de l’intérieur, la démocratie est minée par la montée des extrêmes, l’abstentionnisme chronique, le manque de confiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique, l’impuissance politique… Quel mal la ronge donc ? Faut-il prendre acte d’une crise de la démocratie ?

Les droits de l’individu plutôt que la maîtrise collective

Telle est en tout cas la conviction qui anime Marcel Gauchet. « Le fait que la démocratie n’a plus d’ennemis déclarés ne l’empêche pas d’être travaillée par une adversité intime, qui s’ignore pour telle, mais qui n’en est pas moins tout aussi redoutable dans ses effets (1). » Selon lui, les démocraties connaissent aujourd’hui, pour la deuxième fois de leur histoire, une crise de croissance. La première avait eu lieu après la Première Guerre mondiale. Le suffrage universel voyait se mettre en place des régimes parlementaires décevants tandis que la société était déchirée par l’antagonisme entre classes sociales. La conséquence de cette crise est bien connue : ce fut l’avènement des totalitarismes dans les années 1930. Mais après 1945, les démocraties libérales, en menant des réformes profondes tant politiques, administratives que sociales, étaient parvenues à surmonter la crise.

Malgré des similitudes, celle que les démocraties connaissent aujourd’hui résulte surtout de l’approfondissement du libéralisme, qui s’exprime par un individualisme de masse et le triomphe des droits de l’homme. Désormais la souveraineté de l’individu a supplanté la souveraineté du peuple. Il y a un évidement et même une « autodestruction douce » de la démocratie. Son universalisme la conduit à vouloir se dissocier de tout cadre historique ou politique et lui fait perdre son sens. « Elle s’en est prise au principe du pouvoir en général et partout. Elle a universellement sapé les bases de l’autorité du collectif au nom de la liberté. (...) Elle a fait passer au premier plan l’exercice des droits individuels, jusqu’au point de confondre l’idée de démocratie avec lui et de faire oublier l’exigence de maîtrise collective qu’elle comporte (2). »Désenchantement du monde (2002), cette crise de la démocratie correspond à une accélération du processus de sortie de la religion.
Finalement, pour M. Gauchet qui prolonge ici ses analyses du Désenchantement du monde (2002), cette crise de la démocratie correspond à une accélération du processus de sortie de la religion.