Combien y a-t-il de langues ?
Il existe actuellement plus de 6 000 langues dans le monde. Plus de la moitié auront disparu d'ici la fin du siècle. Pour comprendre les causes de leur disparition, il faut d'abord s'accorder sur ce qu'est une langue. Une langue est l'instrument de communication majeur entre les hommes. Si les langues diffèrent, la compétence linguistique, proprement humaine, est universelle. Depuis Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique moderne au début du xxe siècle, on considère la langue comme un système autonome, un ensemble de règles interdépendantes. A la fois institution collective et pratique individuelle (la parole), la langue est en équilibre entre stabilité (elle est reconnaissable par une communauté) et changement (elle ne cesse d'évoluer dans le temps).
Distinguer les différentes langues n'est pas toujours chose facile. Où commence et où finit une langue ? Dans le temps : comment passe-t-on du latin au français, par exemple ? Ou encore dans l'espace : comment distinguer les variations régionales ? S'agit-il d'une même langue, de dialectes (parlers régionaux), de patois (parlers ruraux) ? Certaines sont vernaculaires, assurant la communication à l'intérieur d'une même communauté linguistique, d'autres sont véhiculaires, utilisées pour les échanges entre différentes communautés.
Les critères permettant de définir une langue sont loin d'être uniformisés, et leur recensement reste dans bien des cas problématique : en 1929, l'Académie française dénombrait 2 796 langues, tandis qu'à l'heure actuelle, la majorité des linguistes estime à plus de 6 000 le nombre de langues, quand d'autres en reconnaissent à peine 4 500. Outre les langues nationales, seulement une centaine sur 6 000, il existe une multitude de parlers dont les contours sont parfois difficiles à cerner. Le nombre de locuteurs, critère quantitatif, ne permet pas de définir une langue. Certaines sont parlées par des millions d'individus, d'autres par quelques dizaines tout au plus. Un des critères permettant la délimitation des langues est le seuil de l'intercompréhension : si des locuteurs ne se comprennent plus, alors on peut supposer qu'il y a deux langues, et non une. Mais ce critère, qualitatif, comporte ses propres limites, car il existe différents degrés d'intercompréhension. Une langue, enfin, c'est une façon éminemment singulière de penser le monde, ce qui fait de chacune, si petite soit elle, un patrimoine irremplaçable.