Différents groupes se positionnent aujourd’hui à la gauche du Parti socialiste (Front de gauche, PCF, Parti de gauche, NPA, etc.). Quels sont leurs points communs ?
Ces groupes font partie de ce que l’on appelle depuis la fin des années 1990 la « gauche radicale ». Ils se regroupent autour d’un axe principal : la lutte contre le néolibéralisme. Leurs racines historiques remontent aux divisions du mouvement ouvrier du 20e siècle, avec des traces encore aujourd’hui comme l’opposition entre trotskystes* et communistes*. Cependant, c’est en réaction au néolibéralisme des années 1980-1990 que s’est vraiment constituée la gauche radicale actuelle. Au début, on reste assez atone à gauche face à la « parenthèse de la rigueur » ouverte par le gouvernement Mauroy en 1983. Finalement, la parenthèse ne sera jamais refermée. On peut dire rétrospectivement qu’il s’agit d’un véritable tournant néolibéral à gauche. La contestation va seulement se développer à partir des grandes grèves et manifestations de l’hiver 1995.
La gauche radicale qui émerge alors rassemble non seulement des groupes d’extrême gauche des années 1970, mais aussi une partie de la gauche classique (gauche du PS et communistes), des écologistes, des syndicalistes, des altermondialistes*, etc. Elle ne s’appuie d’ailleurs pas sur les thèmes de l’extrême gauche des années 1970 – la révolution contre le capitalisme et contre l’État bourgeois –, mais plutôt sur des thèmes du programme commun de la gauche de 1972, délaissés depuis 1983 par la gauche au pouvoir, comme les services publics, la justice sociale ou la relance de la consommation.
La gauche radicale devient un pôle de référence dans le débat public à partir de 1995. En 2005, elle contribue à la victoire du « non » lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE). En 2006, elle participe au succès du mouvement social contre le contrat première embauche (CPE). En 2008, le pôle de la gauche radicale garde une visibilité sous l’effet de la crise économique mondiale, qui légitime davantage la critique du capitalisme. La médiatisation gagne des figures de la gauche radicale comme Olivier Besancenot et Jean-Luc Mélenchon, mais l’effet électoral fut décevant par rapport aux attentes. La période montante 1995-2006 a commencé à s’enrayer et a fait peu à peu place à un reflux.
Comment expliquer ce recul ?
L’une des raisons est que la vie politique française a été progressivement gagnée par une « extrême droitisation », au sens d’une aimantation principale du débat public par des thèmes portés par l’extrême droite. Le sarkozysme y a fortement contribué en ouvrant les vannes d’une association soft du sécuritaire et de peurs xénophobes. La stratégie sarkozyste a d’abord fait reculer temporairement le Front national sur le plan électoral, tout en légitimant des thèmes d’extrême droite et donc en lui permettant des développements ultérieurs. Aujourd’hui, même la gauche sociale libérale de gouvernement apparaît aimantée, par exemple avec la tentative avortée de projet de constitutionnalisation de la déchéance de nationalité.