Quand débute le mouvement indien, ou plutôt ce « mouvement de mouvements » ? Dans les années 1960, lorsque se constitue en Équateur une première fédération des Indiens Shuars. C’est le point de départ de trois décennies de revendications pour la justice sociale, l’exercice des droits civiques et la reconnaissance de la différence, contre les modèles d’exclusion ou d’assimilation forcée qui prévalaient jusque-là. Les premières organisations indigènes naissent dans les Andes, en Amazonie et en Amérique centrale, sous la forme de coopératives et d’organisations syndicales. Peu structurées, elles sont fréquemment associées aux luttes paysannes, plus rarement aux guérillas révolutionnaires. Et restent éparpillées : en dépit d’aspirations communes, les tentatives d’unification du mouvement, par-delà les frontières, butent sur la diversité de ces communautés. Seules les marches de protestation contre les célébrations du 500e anniversaire de la découverte des Amériques (1992) permettront une réunion éphémère.
À l’échelon des États, les premiers succès apparaissent à la fin des années 1980. De nombreuses réformes constitutionnelles traversent alors le continent : octroi de terres, reconnaissance linguistique, meilleur accès à l’éducation et aux ressources naturelles. Progressivement, les États reconnaissent le caractère pluriethnique et multiculturel des nations latino-américaines. C’est notamment le cas de la nouvelle constitution colombienne (1991), élaborée avec la participation de représentants indiens, qui offre aux populations indigènes des territoires, des autorités propres et des systèmes communautaires de justice et de santé. Néanmoins, dans la majorité des autres États, cette reconnaissance reste trop souvent formelle, peu suivie par les pratiques ordinaires et les politiques publiques.