Et si on ouvrait les frontières pour mettre en œuvre la liberté de circulation et créer, en quelque sorte, un monde sans frontières ? Certes, une telle proposition peut apparaître utopique dans le climat actuel de crispations idéologiques autour de la sécurisation et de la fermeture des frontières. Mais elle apparaît depuis longtemps dans les textes philosophiques et juridiques. Au siècle des Lumières, Emmanuel Kant rappelait que les citoyens du monde n’avaient pas d’autre possibilité que d’y circuler, tout en distinguant le droit de visite, qui appartient à chacun, du droit d’installation, soumis à la volonté des États d’accueil. Le philosophe Zygmunt Bauman a repris en 2000 la notion de « citoyenneté universelle » dans le cadre de sa théorie de la « modernité liquide », dénonçant le paradoxe d’un monde où tout circule, sauf les hommes et les femmes 1. D’autres ont souligné la contradiction du « paradoxe libéral » où le libéralisme économique s’accommode de la sécurisation accrue des frontières, l’économique et le politique se combattant mutuellement.