L’adhésion en 2007 de la Bulgarie à l’Union européenne eut une conséquence sans laquelle ce livre n’aurait pas vu le jour. La détention privée de certains animaux sauvages tomba, sans crier gare, dans le domaine de l’illégalité.
Or la tradition du dressage d’ours, conservée et transmise de père en fils dans certains villages tsiganes, était encore bien vivante dans ce pays. Les ours dansants étaient une attraction que les baigneurs des bords de la mer Noire pouvaient encore apprécier l’été. Les mesures européennes devaient sonner le glas de cette pratique foraine. Mais de la coupe aux lèvres, il y a une certaine distance et, devant l’inaction des autorités, une ONG autrichienne (Quatre pattes) se proposa de récupérer les animaux et de les libérer dans une réserve prévue à cet effet, quelque part dans les montagnes du Rila. Tel est le point de départ de cet étonnant récit en forme de reportage mené tambour battant par le journaliste polonais Witold Szabłowski. Sur les pas des téméraires libérateurs d’ours, il suit leurs opérations de récupération monnayée, dialogue avec les montreurs d’ours, aussi musiciens que poètes, documente les méthodes de dressage et décrit, par tableaux successifs, l’adaptation des plantigrades à leur nouvelle vie. Rendre la saveur de son texte émaillé d’épisodes picaresques est impossible, tant la roublardise des metchkari (montreurs d’ours), convaincus de leurs qualités de bons maîtres, et la conviction des sauveteurs (rendre les animaux à la nature) sont aux antipodes l’une de l’autre.