La pandémie a-t-elle changé l'école ?

Le virus a révélé des ressources au sein de l’école française, notamment l’engagement et la créativité des équipes éducatives. De nouvelles façons d’enseigner ont été expérimentées, avec plus ou moins de succès. Que faut-il en garder pour l’« école d’après » ?

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C’est peu dire que le covid-19 a bousculé l’école : depuis le printemps 2020, nous entrons dans la troisième année scolaire sous pandémie, avec ses universités, ses classes et ses écoles fermées, ses demi-effectifs, ses cours en distanciel, ses contrôles continus, ses vaccins, ses atermoiements, ses angoisses et ses fatigues… Pourtant, le temps où nous imaginions le monde d’après semble bien loin et le seul avenir possible paraît être le retour au monde d’avant, tout en sachant qu’il n’en sera rien parce que ni l’institution scolaire ni ses acteurs ne sortiront indemnes d’une épreuve aussi longue. Alors, qu’est-ce qui a changé, qu’avons-nous appris et que pourrions-nous faire ?

Une adaptation contrainte

Face au premier confinement, l’école française, réputée rigide, conservatrice et prompte à défendre ses routines, a démontré des capacités d’adaptation et de résilience remarquables. Bien des enseignants ont accompli ce qu’ils n’imaginaient pas de faire et auraient sans doute refusé de faire si un ministre le leur avait demandé. Beaucoup d’entre eux n’ont pas laissé tomber leurs élèves, ils ont « bricolé » avec leur ordinateur et n’ont pas compté leur temps… L’école française est restée plus active et plus ouverte que celle de pays comparables et touchés par la même pandémie. Bien sûr, le ministère a perdu de sa superbe en pilotant au jour le jour et les enseignants, comme les établissements, n’ont pas réagi de manière homogène, ce qui n’a rien d’étonnant quand les individus sont brutalement déstabilisés et doivent se mobiliser eux-mêmes. Tous les élèves et tous les étudiants savent bien quels sont les établissements qui ont « tenu » et ceux qui ont été plus fragiles. La même observation vaut d’ailleurs pour les familles qui n’ont pas toutes fait l’école à la maison de la même manière, en fonction de leurs ressources matérielles, culturelles et sociales. À terme, si beaucoup d’élèves et d’étudiants se sont sentis abandonnés, on peut dire, sans risquer la démagogie, que la société scolaire et les familles ont affronté l’épreuve.

En fait, la pandémie a révélé ce que nous savions déjà et que nous taisions, comme on cache un secret de famille. Elle n’a pas créé de nouvelles inégalités, mais elle a exposé au grand jour des inégalités que nous faisions semblant d’ignorer. Ce sont d’abord les inégalités de mobilisation, de ressources et de cohésion entre les établissements et les formations. Ces inégalités tenant à « l’effet établissement » et à « l’effet enseignant » ont toujours mis mal à l’aise un monde enseignant qui aime à se percevoir comme homogène. Mais avec la pandémie, certains établissements se sont mobilisés, d’autres moins, des équipes pédagogiques ont été soudées, d’autres moins, et ceci finit par faire de grandes différences et par creuser des inégalités déjà là, par exemple quand les classes préparatoires ont été mieux prises en charge que les formations universitaires de masse.