À l’automne 2017, une vive discussion éclate suite à la publication d’un manuel scolaire rédigé en écriture dite inclusive. Elle se focalise sur l’usage du point médian pour signaler l’existence de femmes dans un désignateur collectif masculin. La pratique était jusque-là réservée à un petit cercle d’universitaires et de spécialistes du féminisme. L’initiative des éditions Hatier élargit l’usage puisque le manuel en question s’adresse aux enfants de 8 ans, et aux enseignants. Les associations traditionalistes désapprouvent fortement ; le gouvernement tranche en novembre 2017 en interdisant cette écriture inclusive à l’école. Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale mentionne trois arguments justifiant cette décision : 1) l’écriture inclusive va à l’encontre des règles d’accords enseignées à l’école ; 2) le point médian fragmente les mots, ce qui rend la lecture et la compréhension des textes plus compliquée ; 3) l’écriture inclusive rend la lecture difficile pour les jeunes apprenants, surtout en cas de handicap ou de trouble de l’apprentissage. Le ministère de l’Éducation nationale encourage néanmoins la féminisation des noms de métiers et des fonctions pour lutter contre les stéréotypes sexués. Fin du débat ? Pas vraiment…
« Malade, je la suis »
En 2018, Éliane Viennot, professeure émérite de littérature française et fervente défenseure de la démasculinisation de la langue française publie Le Langage inclusif : pourquoi, comment (iXe). Elle soutient la thèse selon laquelle la langue française est devenue sexiste au cours du 17e siècle. Durant ce siècle, l’Académie française, prestigieuse institution, va devenir la gardienne de la langue et imposer des règles d’accord faisant du masculin le genre « noble » et la référence de base du français. Auparavant, le féminin était davantage visible. Par exemple, les accords de proximité se pratiquaient. Il était d’usage de dire et d’écrire « un homme et une femme contente ». De même, une femme pouvait dire « malade, je la suis » sans qu’on lui reproche une faute langagière. Il aurait été malvenu pour la gent féminine de se désigner par un pronom masculin.
É. Viennot invite donc à prolonger le mouvement qui a débuté dans les années 1960-1970, avec l’utilisation des doublets, « Françaises, Français » par exemple, et qui s’est poursuivi par des féminisations de noms de métiers prestigieux et de hautes fonctions, notamment politiques. Elle énonce une dizaine de propositions pour rendre la langue française plus inclusive, comme : renoncer au masculin pour les hautes fonctions et responsabilités, promouvoir les mots épicènes 1 et englobants, rétablir l’accord de proximité, choisir volontairement l’accord de majorité qui consiste à accorder les mots selon le genre le plus représenté dans un collectif, privilégier les pluriels pour coller davantage à la réalité sociologique de la population ou encore utiliser le point médian, plus discret et égalitaire que les parenthèses pour introduire une marque de féminin.