La tentation du sac à dos

Ils ont 18 ou 35 ans, s’offrent des billets 
sans retour pour l’étranger, et vont chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas en France : cursus, job, amour ou liberté. Qui sont-ils ? 
Que gagnent-ils à larguer les amarres ?

Avez-vous déjà goûté du lait de jument fermenté ? Et bien en Mongolie, c’est une tradition. Impossible d’y déroger à chaque nouvelle yourte visitée : « Un moment pas facile facile » de l’avis de Maud et Vincent. À 29 et 34 ans, ce jeune couple de Parisiens a décidé de prendre une année sabbatique pour réaliser un rêve : faire un tour du monde pendant onze mois sac au dos.

Qu’ils partent à l’aventure pendant trois semaines, un an ou plus, dans le cadre de leurs études par le biais d’un dispositif type Erasmus, dans le cadre d’un projet professionnel ou non, les jeunes sont de plus en plus nombreux à céder à l’appel du large. Le nombre d’étudiants partis étudier ou faire un stage en Europe avec le programme Erasmus a ainsi bondi de 6,9 % entre 2009 et 2010 (1). Une augmentation spectaculaire liée notamment à l’envolée des stages à l’étranger (+ 22,7 %). Le volontariat international en entreprise (ViE) ne cesse lui aussi de croître depuis 2008 (il est passé de 5 913 à 6 842 en 2011 (2)). Le nombre d’expatriés continue à gonfler avec un peu plus de 2 millions d’individus installés hors de l’Hexagone (3). Mais d’où peut bien venir cette « bougeotte » ? Quelles sont les motivations qui poussent ces hommes et ces femmes à aller voir ailleurs ?

Pour Moussoumi, parti à Copenhague pendant un semestre avec Erasmus, « c’est une façon de découvrir d’autres personnes, d’autres paysages, d’autres modes de vie… » Ces quelques mois s’apparentent pour beaucoup d’étudiants à un « rite de passage contemporain », explique Christophe Allanic, psychologue clinicien, spécialiste de l’expatriation (4). Parfois même un véritable tremplin vers l’expatriation. « Je suis partie neuf mois en Erasmus, en Finlande et je ne suis jamais revenue, lâche Nono, sur le blog d’Olivier Rollot, rédacteur en chef du Monde étudiant. C’était il y a quatre ans. Je fais aujourd’hui mon doctorat de sciences au Danemark et, vu mon salaire, je n’ai pas l’intention de revenir. »

Dans une société où trouver un travail est de plus en plus difficile, où les stages mal ou non payés se multiplient et où les salaires sont peu élevés, une expérience à l’étranger constitue pour beaucoup un moyen de valoriser un cursus et pourquoi pas d’échapper à la précarité… De nombreux jeunes thésards en mal de reconnaissance et de débouchés en France en vantent les atouts : meilleurs salaires, plus grandes responsabilités ainsi que divers avantages. Plus de 2 000 postdoctorants et chercheurs français partiraient ainsi chaque année aux États-Unis (5). Après plusieurs envois de CV en France laissés sans réponse, Stéphanie, titulaire d’une thèse en biochimie et biologie moléculaire à Jussieu, a trouvé un post­doc chez l’oncle Sam en quelques courriels seulement. Après deux années à l’université du Massachusetts, elle est finalement rentrée en France et a été reçue au concours du CNRS.