La trace du fleuve

La trace du fleuve. La Seine et Paris (1750-1850), Isabelle Backouche, EHESS, 2016, 23 €.

Que se passe-t-il à Paris entre le temps des Lumières et le temps d’Haussmann ? Que se passe-t-il, plus précisément, entre la ville et son fleuve ? C’est la mutation d’un système que décrit Isabelle Backouche. En 1750, la Seine pourvoit à tous les besoins des Parisiens. La Seine organise l’espace et constitue l’identité de la ville. La Seine nourrit, elle est jalonnée de ports qui assurent, selon les périodes, entre un tiers et deux tiers de la consommation des Parisiens, elle fournit l’eau indispensable aux habitants et aux activités industrielles, elle permet de quitter la ville ou d’y entrer. Mais dès le 18e siècle, un souci d’urbanisme, d’aménagement fonctionnel commence à transformer le rapport d’un fleuve et d’une société. Les travaux se poursuivent au début du 19e siècle, sous la houlette des ingénieurs. Leur regard sur la ville n’est plus porté par l’identité organique d’un ensemble mais par des soucis de rationalité et de cohérence d’un espace national. Parallèlement, les pouvoirs sur le fleuve échappent de plus en plus à la ville, par la création du service des Eaux de Paris qui place le fleuve sous le contrôle des ingénieurs des Ponts et Chaussées. Le système fluvial est aménagé non pas en fonction exclusive des besoins de la ville mais pour permettre au fleuve de jouer un rôle de transit national : les canaux, Saint-Denis, l’Ourcq et Saint-Martin dans les années 1820, rejettent les principaux ports hors de la ville. En somme, la ville est pensée dorénavant comme une métropole nationale : en témoigne la carte, dans les années 1840 des chemins de fer. Ces évolutions induisent-elles une nouvelle « conscience du fleuve » ?