Des lycéens qui demandent à être appelés « il » et non plus « elle », à troquer « Lou » contre « Mattéo » : ces dernières années, les enseignants sont confrontés à un nombre croissant de jeunes relevant de la transidentité, c’est-à-dire qui ne se reconnaissent pas dans leur genre de naissance. Tiraillés entre la peur de cristalliser une étape de construction identitaire et celle d’occulter un mal-être profond, les enseignants peinent à savoir quelle posture éducative adopter. Pour mieux comprendre les difficultés de l’institution scolaire face à ces élèves, le sociologue Arnaud Alessandrin a mené depuis 2014 une série de 150 observations participantes, du primaire au lycée. À l’heure où l’Éducation nationale vient d’entériner la première circulaire relative à l’identité de genre à l’école, et où plus de 8O % de jeunes « trans » rapportent une expérience scolaire négative au cours de l’année écoulée, son enquête fait le point sur l’évolution des modalités de prise en charge en milieu scolaire. Si beaucoup d’établissements continuent d’externaliser la gestion de ces situations aux professionnels de santé, le sociologue note depuis 2020 une volonté croissante de former leurs personnels et de se doter de protocoles d’accueil spécifiques. Ceux-ci ont pour but d’améliorer la coordination des équipes éducatives et la collaboration avec les familles, de prévenir les risques de discriminations et d’accompagner au mieux les demandes des jeunes – changement de prénom sur les logiciels de vie scolaire, gestion de la fréquentation des sanitaires et des vestiaires de sport non mixtes. Seule l’école primaire semble encore réticente à ces évolutions, la transidentité y étant encore souvent perçue comme un vécu propre à l’adolescence et l’âge adulte.