Le bilinguisme est-il un atout ?

La mobilité croissante des personnes, les mariages mixtes ainsi que la volonté politique d’introduire de plus en plus tôt une première langue vivante dans les écoles – et deux langues vivantes avant l’entrée en sixième selon la recommandation de la Commission européenne – font que beaucoup d’enfants sont aujourd’hui confrontés très tôt à plusieurs langues.

En dépit de cette évolution sociétale, le bilinguisme continue à susciter autant de craintes que d’enthousiasme. « Mieux vaut bien apprendre le français avant d’entamer l’apprentissage d’une autre langue », « si l’enfant mélange ses deux langues, il vaut mieux qu’il n’en utilise qu’une »…, autant d’affirmations qui résistent encore aux nombreux démentis apportés par la recherche. Ces idées reçues concernant la prétendue nocivité du bilinguisme semblent avoir la vie particulièrement dure dans certains pays où le monolinguisme a longtemps été le modèle. On oublie que le monolingue est l’exception : selon l’Unesco, les deux tiers de la population mondiale parlent quotidiennement plus d’une langue.

La grande majorité des études psycholinguistiques montrent que l’apprentissage simultané de deux langues présente surtout des avantages pour les enfants. Les nourrissons sont prédisposés à acquérir, stocker et différencier deux ou trois langues. Le cerveau de l’enfant n’est pas surchargé par le bilinguisme mais stimulé par celui-ci. Ellen Bialystok, professeure de psychologie à l’université de York (Canada), considère le bilinguisme comme une forme de fitness pour le cerveau qui en tirerait des bénéfices comparables à ceux de l’exercice physique pour le corps. À condition que l’acquisition des deux langues se fasse de manière naturelle et continue. D’où le malentendu au sujet du double semi-linguisme : les diffi­cultés des enfants migrants s’expliquent souvent par des raisons socio-économiques indépendantes du bilinguisme. En outre, les recherches ont montré que l’arrêt brutal du processus d’acquisition de la langue maternelle, renforcé par la rupture d’usage de cette langue par des parents croyant bien faire ainsi que par le rejet à l’école de la langue familiale, représente une forme d’amputation linguistique empêchant tout bilinguisme équilibré. Le fait de ne pas maintenir les deux langues freine le développement dans chacune d’elles 1.