Le candomblé au Brésil, ou l'Afrique réinventée

Le candomblé est une religion syncrétique issue de la rencontre des cultes africain et catholique au Brésil. Il a été, dès sa création, un enjeu de pouvoir. Il est aujourd'hui l'objet d'une volonté de retour aux sources africaines.

Au Brésil, durant l'époque coloniale, la société reposait sur une structure hiérarchique selon laquelle, lorsqu'un métis s'élevait socialement, il devenait automatiquement un Blanc. Ce « blanchissement social », relaté par les voyageurs étrangers, devint une des caractéristiques fondamentales de la société brésilienne. L'importance des signes extérieurs d'appartenance à la culture blanche était considérable. Il fallait montrer que l'on maîtrisait les codes de la culture dominante pour pouvoir améliorer sa position sociale. Le brassage des cultures et le métissage racial étaient alors les bienvenus, mais toujours dans le sens du « blanchissement ».

Le candomblé, aujourd'hui synonyme de résistance culturelle des Noirs, est né à cette époque de l'interpénétration des cultures africaines, européennes et amérindiennes, qui a permis aux esclaves africains et à leurs descendants de préserver leurs traditions religieuses, tout en les adaptant aux nouvelles contingences. Religion fondée sur l'expérience directe de la transcendance, grâce à la possession divine qui entraîne la métamorphose de l'initié en orixá (divinité), le candomblé a considérablement modifié les différentes pratiques africaines. Celles-ci ont été rassemblées dans un même espace (le terreiro, ou maison-temple) et des éléments issus d'autres horizons culturels ont été incorporés.

Lorsque les esclaves débarquaient sur le sol américain, ils étaient rapidement baptisés. Leur instruction religieuse se réduisait à une présentation superficielle des principes religieux catholiques, qui soulignait surtout les qualités de soumission et de résignation de tout bon chrétien. La plupart des esclaves étaient destinés au travail dans les plantations et les moulins à sucre, où l'évangélisation se limitait à la messe dominicale.

Vers la fin du xviiie siècle, avec le déclin de la culture de la canne à sucre dans les campagnes du Nordeste brésilien, l'Eglise catholique devint beaucoup plus présente dans la vie quotidienne des esclaves africains et des affranchis concentrés dans les villes. Ces derniers créèrent des confréries noires autour d'un saint ou d'une vierge, telle la confrérie de Notre-Dame du Rosaire, une vierge noire, celle de saint Benoît le Maure, l'un des saints préférés des esclaves africains, ou encore celle des Hommes noirs, réunissant les Noirs affranchis.

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Les esclaves se rassemblaient en nations, renvoyant à une supposée origine ethnique commune. Pendant toute l'histoire coloniale, cette forme d'organisation avait été systématiquement encouragée par les autorités afin d'accentuer les différences entre les esclaves et de rendre plus difficile une rébellion comme celle qui éclata en Haïti en 1791. Chaque nation était aussi liée à une confrérie religieuse composée de Noirs revendiquant une même provenance africaine. Une des plus anciennes confréries, l'Ordre tertiaire du Rosaire à Bahia, était formée exclusivement de Noirs angolais. Les Noirs Jeje (Fon) se réunissaient dans la confrérie du Bon Jésus des Nécessiteux et les Nagôs (Yoruba), dans celle de Notre-Dame de la Bonne Mort. Ces confréries catholiques fonctionnaient comme de véritables sociétés d'entraide, donnant aux esclaves nécessiteux les moyens de racheter leur liberté.

Ces associations ont constitué la base de ce qui allait être les terreiros de candomblé, où l'on retrouve la même division en nations, de culte ketu, ijexá, jeje, efon, nagô-vodun, angola, congo et le candomblé de caboclo, où l'influence amérindienne est particulièrement présente. Aujourd'hui, ces nations de candomblé ont perdu leur connotation ethnique, elles ne renvoient plus à une réelle origine africaine, mais à des identités religieuses plus ou moins différenciées. Divisées entre cultes plus ou moins traditionnels, elles ont toutes été influencées par les pratiques religieuses africaines et catholiques.

C'est donc dans les villes que la religion des maîtres commença à se mêler à celle des esclaves, d'autant plus facilement qu'il existait des correspondances entre ces deux univers religieux. Cela donna naissance au syncrétisme afro-catholique : Jésus fut identifié avec Oxalá, le dieu de la création ; Omolu, le dieu de la variole, fut assimilé à saint Sébastien, criblé de flèches, ou à saint Lazare, couvert de plaies ; Yansan, la déesse guerrière du vent et des tempêtes, fut associée à sainte Barbe.