• Vieillir toujours plus (et mieux) ?
En 2010, les Français vivent en moyenne 78 ans et les Françaises 85 ans. Une progression fulgurante lorsque l’on pense que l’espérance de vie était d’une trentaine d’années en moyenne en 1750. Pour les démographes Jacques Vallin et France Meslé (1), cette hausse de l’espérance de vie en deux siècles dans les pays industrialisés s’est réalisée par paliers.
Le premier palier correspond à la diffusion du premier vaccin, la vaccine, contre la variole, par le médecin anglais Edward Jenner à la fin du xviiie siècle. Cette époque est aussi celle de progrès agricoles qui ont permis de mieux nourrir la population.
La deuxième étape, la plus spectaculaire (4 mois d’espérance de vie gagnés par an), s’étend jusqu’aux années 1960. Elle est due à la révolution pasteurienne et aux antibiotiques, conjugués aux progrès sociaux comme l’avènement de la Sécurité sociale après la Seconde Guerre mondiale.
Troisième étape, la « révolution cardiovasculaire » des années 1970 : non seulement les innovations médicales et chirurgicales font baisser les décès dus aux maladies cardiovasculaires, mais les changements de comportement (régime alimentaire, sport) font reculer le risque de maladie. Durant cette phase, l’espérance de vie augmente en moyenne de 3 mois par an.
Actuellement, une nouvelle étape peut permettre d’accroître encore l’espérance de vie, d’après J. Vallin et F. Meslé : l’attention croissante portée à la santé quotidienne et à l’accompagnement des personnes très âgées.
Proches de la limite biologique ?
Pour autant, vivrons-nous toujours plus longtemps, et surtout en bonne santé ? La question divise les démographes. Dès les années 1990, certains d’entre eux avancent que les pays industrialisés sont proches de la « limite biologique » de l’espèce humaine. L’Américain Stuart Jay Olshansky (2) prévoit même un déclin prochain de l’espérance de vie aux États-Unis : en cause, les effets néfastes de l’obésité, de la pollution, du tabac, du stress (3)... D’autres démographes, dont James W. Vaupel (4), expliquent a contrario que nous atteignons le grand âge en meilleure santé et que la mortalité aux âges avancés va encore baisser.
(1) Jacques Vallin et France Meslé, « Espérance de vie : peut-on gagner trois mois par an indéfiniment ? », Population et sociétés, n° 473, décembre 2010.
(2) Stuart Jay Olshansky et al., « A potential decline in life expectancy in the United States in the 21st century », The New England Journal of Medicine, vol. XXXLII, n° 11, 17 mars 2005.
(3) Arialdi M. Miniño et al., « Deaths : Preliminary Data for 2008 », National Vital Statistics Reports, vol LIX, n° 2, décembre 2010. Ce rapport du National Center for Health Statistics (NCHS) constate un recul de l’espérance de vie aux États-Unis de 77,9 ans en 2007 à 77,8 ans en 2008, pointant une hausse des décès dus aux maladies respiratoires et à Alzheimer.
(4) James W. Vaupel, « Biodemography of human ageing », Nature, vol. CDLXIV, 25 mars 2010.
• Longévité et santé
L’espérance de vie est la mesure canonique de notre longévité. L’espérance de vie à la naissance représente la durée de vie moyenne – autrement dit l’âge moyen au décès – d’une génération soumise aux conditions de mortalité de l’année. L’espérance de vie en bonne santé, ou années de vie en bonne santé (AVBS), est de plus en plus évoquée dans les travaux démographiques. Elle représente le nombre d’années en bonne santé, sans limitation d’activité dans les gestes du quotidien et sans incapacités, qu’une personne peut s’attendre à vivre : en 2008, l’espérance de vie en bonne santé à la naissance était estimée à 64,2 ans pour les femmes et à 63,1 ans pour les hommes en France. Si les femmes conservent un avantage du point de vue de l’espérance de vie en bonne santé, l’écart avec les hommes tend à se réduire, le mode de vie des premières se rapprochant progressivement de celui des derniers (consommation d’alcool, tabac…) avec des conséquences importantes sur la santé.
Sources : Insee (définitions) et Ined (chiffres).
• Une chance pour l'individu, un fardeau pour la société ?
Les seniors sont de plus en plus nombreux dans la population des pays industrialisés, au point qu’un terme a émergé pour les désigner et en faire une catégorie à part entière de la société. Leurs conditions de vie, leur pouvoir économique, mais également leur poids politique sont régulièrement évoqués dans les médias et les travaux sociologiques (1).
Cette attention croissante portée aux seniors correspond d’abord à une réalité démographique. Les personnes de 60 ans et plus sont ainsi plus de 13 millions en France, soit un cinquième de la population. Cette proportion va croître, avec une forte progression jusqu’en 2035, d’après les projections de l’Insee (2). Les générations issues du baby boom, période de forte natalité d’après-guerre, arriveront alors aux âges avancés.