Le groupe rend-il stupide ?

On dit que l’union fait la force, mais les décisions prises à plusieurs ne sont pas toujours les meilleures. La délibération collective peut même mener à de fâcheuses issues. 

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Mer ou montagne ? Une famille tente de choisir sa prochaine destination de vacances. Petits et grands débattent, passent en revue plusieurs options… Après des jours de discussion, ils finissent par se mettre d’accord pour partir dans la vallée de la Dordogne. Mais derrière cet apparent consensus, personne n’est satisfait : on n’y trouve ni la mer ni la montagne ! Comme expliquer ce paradoxe dit d’Abilene (encadré ci-dessous), bien connu des vacanciers comme des dirigeants d’entreprise ? Spontanément, se mettre d’accord à plusieurs semble préférable. Dans son traité sur Le Politique (4e siècle av. J.C.), le philosophe Aristote envisageait déjà « que de nombreux individus, dont aucun homme n’est vertueux, quand ils s’assemblent, soient meilleurs que ceux qui sont meilleurs mais peu nombreux ». Pourtant un rapide regard sur l’histoire de l’humanité fait aussi douter de cette sagesse collective. Selon le sociologue Christian Morel 1, on ne compte plus le nombre de ces décisions absurdes. Il évoque des situations sans gravité, tel que le paradoxe d’Abilene, mais aussi dramatiques, comme le fait de lancer la navette spatiale Challenger en 1986, alors que plusieurs décideurs pensaient qu’un dysfonctionnement se produirait. Des ingénieurs avaient alerté d’un possible manque de résistance des joints des propulseurs à des températures alors très basses. Mais après plusieurs heures d’évaluation des risques, par le biais d’une conférence téléphonique, les responsables décidèrent quand même de lancer la navette. Elle se désintégra 73 secondes après son décollage, provoquant la mort des sept astronautes.