Entretien avec Jean-Michel Servet

«Le microcrédit n'a rien d'une panacée»

Le microcrédit a aujourd’hui le vent en poupe et nourrit beaucoup d’espoirs dans la lutte contre la pauvreté. Mais s’il permet à des populations jusque-là exclues de l’offre bancaire d’emprunter, il ne constitue pas, pour Jean-Michel Servet, un remède miracle.

Le microcrédit connaît une grande popularité. L’année 2005 a été proclamée année internationale du microcrédit puis la Grameen Bank et son fondateur Muhammad Yunus ont obtenu le prix Nobel de la paix. En quoi consiste-t-il ?

Le microcrédit est un service de prêts de faible montant qui s’adresse à des personnes sans accès à l’offre des banques. Ses clients ne sont pas nécessairement pauvres. Ils sont handicapés dans leur vie courante par cette exclusion financière. Les chiffres fournis par le rapport du Sommet du microcrédit (1) font état de plus de 150 millions de clients dont plus des deux tiers seraient pauvres. Mais les calculs de la proportion de pauvres bénéficiaires du microcrédit sont peu fiables. On croit souvent à tort qu’il est utilisé pour créer de nouvelles activités. C’est le cas dans les pays du Nord, comme en France, où il fait partie des politiques de lutte contre le chômage et vise à encourager l’autoemploi. Dans les pays du Sud, sauf cas exceptionnels, notamment les situations postcrise, le microcrédit s’adresse généralement à des populations ayant déjà une activité.

Le microcrédit s’est plus développé en Asie et dans le Pacifique (83 % des clients recensés) qu’en Amérique latine et en Afrique ; bien davantage, en tenant compte de la répartition de la population mondiale, qu’en Europe occidentale (1 ‰ des clients recensés). De fortes densités de population constituent un facteur favorable car cela diminue ses coûts de fonctionnement. Mais les politiques publiques jouent aussi un grand rôle. L’Inde connaît une croissance importante de son offre de microfinance car une loi y oblige les établissements implantés dans les zones rurales à avoir un pourcentage d’usagers en situation d’exclusion financière.