Le miroir de Damas

Le miroir de Damas - Syrie, notre histoire, Jean-Pierre Filiu, La Découverte, 2017, 286 p., 14 €.

« Qu’on le veuille ou non, Damas nous tend aujourd’hui son miroir. » Par ces mots sobres, l’historien spécialiste du monde arabo-musulman Jean-Pierre Filiu introduit un ouvrage peu académique, plutôt personnel, dans lequel il dévoile sa passion pour la Syrie, pays où il a résidé et enseigné. Convoquant les grands personnages de la chrétienté et de l’islam, il montre, au fil de récits aussi précis qu’enlevés, à quel point l’histoire des monothéismes s’est pour une large part jouée là, sur le sol du pays de Cham. C’est à Antioche que les chrétiens se sont pour la première fois désignés comme tels, tandis que des siècles plus tard les Omeyyades feront de Damas le pilier du premier empire d’Islam. Ainsi le lecteur côtoie-t-il au fil des pages Saint-Paul sur son « chemin de Damas », la longue lignée des califes, Saladin le pourfendeur des Francs, et Abdelkader, le sauveur des chrétiens syriens. Et encore, les ismaéliens, les druzes et les alaouites, aux temps où cette terre était le refuge des schismatiques de l’islam. Un refuge plus tard encensé par les poètes : « Aucun lieu de la Terre ne rappelle mieux l’Éden », écrira ainsi avec emphase Lamartine, de sa plume teintée d’orientalisme, lors d’un voyage à Damas. Plus près de notre époque défilent sous nos yeux les grandes manœuvres franco-britanniques débouchant sur les accords Sykes-Picot, les pères du nationalisme arabe Michel Aflaq et Salaheddine Bitar, et le général de Gaulle voguant vers cet « Orient compliqué ».