Tous les courants de réflexion sur le phénomène migratoire contemporain (et notamment les théories des réseaux transnationaux) s'accordent sur le fait que les migrants d'aujourd'hui sont les acteurs d'une culture du lien, fondée par eux et qu'ils entretiennent dans la mobilité. Auparavant à l'état latent, mais propre à tous les groupes qui se déplacent, cette culture du lien est devenue visible et très dynamique une fois que les migrants ont commencé à utiliser massivement les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Ainsi, aujourd'hui, il est de plus en plus rare de voir les migrations comme un mouvement entre deux communautés distinctes, appartenant à des lieux éloignés et marquées par des relations sociales indépendantes l'une de l'autre. Il est au contraire de plus en plus fréquent que les migrants parviennent à maintenir à distance et à activer quotidiennement des relations qui s'apparentent à des rapports de proximité. Le lien « virtuel » - par téléphone ou par e-mail - permet aujourd'hui, plus et mieux qu'avant, d'être présent à la famille, aux autres, à ce qui est en train de leur arriver là-bas, au pays ou ailleurs. Le déraciné, en tant que figure paradigmatique du monde migrant, s'éloigne et fait place à une autre figure, encore mal définie mais dont on sait qu'elle correspond à un migrant qui se déplace et fait appel à des alliances à l'extérieur de son groupe d'appartenance, sans pour autant se détacher de son « atome » social d'origine.
Des recrutements grâce au mobile.
Dans la communauté des migrants roumains arrivés en France au début des années 90, l'acquisition du téléphone portable marque un moment précis. Ces paysans saisonniers du nord de la Roumanie sont entrés dans le quotidien des Français grâce à la vente des journaux de rue (notamment L'Itinérant). Aux portes des magasins et des bureaux de poste, aux carrefours, toujours au rendez-vous, les Roumains ont réussi à fonder un réseau de diffusion des journaux de rue très efficace et à s'accrocher dans la société française. Au bout de quelques années, chaque vendeur a trouvé « son nid », ce qui s'est traduit par l'établissement d'un lien privilégié avec « son » Français, l'homme-source qui conforte car il protège, garantit la circulation et offre son propre réseau et par cette voie le marché du travail.