Cette éclectique promenade à travers la statuaire, l’iconographie, la mythologie et les littératures antiques ne connaît pas de frontières : de Sumer à Babylone, de Ramsès II à Cléopâtre, du palais de Minos à Athènes, de Rome à Pompéi, elle parcourt la richesse insoupçonnée des imaginaires et des pratiques érotiques, voire pornographiques, des civilisations précédant le monde chrétien. Pour autant, Christian-Georges Schwentzel n’entendait pas seulement livrer là un ouvrage « à feuilleter d’une seule main ». Il invite son lecteur à prendre une leçon d’histoire des mœurs. En effet, si Égyptiens, Grecs et Romains peuplaient leurs panthéons de dieux libidineux et de déesses désirables, ça n’était pas au nom de la liberté de chacun de faire ce qu’il veut de son corps. Si Zeus violait allègrement mortelles et mortels, c’était au nom de rapports de domination polymorphes et sans demi-mesure : domination du masculin sur le féminin, du maître sur ses esclaves, des adultes sur les plus jeunes, et des clients sur les prostitué(e)s. La licence sexuelle des Anciens était asymétrique, et c’est selon un ordre phallocratique strict qu’ils concevaient, représentaient et mettaient en œuvre les pratiques variées dont C.G. Schwentzel égrène la liste : fellation, sodomie, pédophilie, fétichisme, bondage, zoophilie. Dans ce cadre, « beaucoup de Grecs et de Romains ne voyaient guère de différence entre un postérieur féminin ou masculin », tandis que la chasteté des épouses et des filles était jalousement surveillée, et que toute inversion des rôles était sévèrement jugée. La légendaire nymphomanie de Cléopâtre mettait les poètes latins en rage, et l’homosexualité passive signait la déchéance du citoyen de bonne naissance. À ces conditions, l’érotisme torride avait sa place dans les religions des Anciens, et contraste évidemment avec l’austérité chrétienne qui suivra. Mais il avait peu à voir avec ce que nous, modernes, appelons « liberté sexuelle ».
Le nombril d'Aphrodite
Le nombril d’Aphrodite. Une histoire érotique de l’Antiquité, Christian-Georges Schwentzel, Payot, 2019, 270 p., 21 €.