Le numérique, révolution anthropologique

L’ordinateur est devenu un équipement omniprésent dans notre quotidien. Sous sa version fixe ou portable, on le trouve dans notre bureau, bien sûr, mais aussi dans notre espace domestique ou dans notre poche. Pendant la période du confinement, il est même devenu indispensable. Pourtant, la diffusion à grande échelle de l’informatique est récente. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’était encore le temps des grandes armoires à calculer et à stocker de l’information suite aux intuitions de génie d’une poignée de mathématiciens comme John von Neumann ou Alan Turing 1. Dès le milieu des années 1970, les outils se miniaturisent. Les premiers ordinateurs personnels arrivent sur le marché, lancés par Apple (Apple II), Atari (Atari 400 ou 800), IBM (Sonal Computer 5150), ou encore Commodore International (Commodore PET), suivis des modèles développés par le groupe Thomson-Brandt au milieu des années 1980, le MO5 ou le TO7, ou par Amstrad (Amstrad PC-1512). Dans les grandes organisations, ils sont réservés à la comptabilité, aux divers travaux administratifs ou encore aux opérations d’archivage. Mais à partir de la décennie 1990, le poste de travail se transforme progressivement et l’usage de l’ordinateur se développe dans tous les secteurs. Dans l’univers industriel, l’introduction des machines numériques bouleverse les modes de production et les outils de contrôle. Dans les métiers du tertiaire, l’usage de l’ordinateur se traduit non seulement par une mutation des espaces, avec l’apparition de l’open space, mais aussi par une évolution des modes de management via la multiplication des indicateurs de gestion.

Des ordinateurs partout et pour tout

De façon parallèle, l’équipement des ménages en micro-ordinateurs s’accélère au milieu des années 1990. Sur la décennie, la proportion de ménages équipés en France est passée de 15 % à 45 %, soit une progression moyenne de 16 % par an 2. La miniaturisation s’accélère, les prix baissent et l’équipement s’installe dans les salons à côté de la télé, dans les chambres à coucher ou les bureaux. À côté de l’usage classique du traitement de texte et de la gestion de comptes réservé aux premiers PC – personal computer –, la diffusion de la culture des jeux vidéo s’accompagne de la sortie de machines plus performantes et en couleur (l’Amiga 500 ou l’Amstrad CPC 464). C’est le temps où les jeux s’échangent sur cassettes ou disquettes à la sortie des collèges ou des lycées. Le changement s’accélère aussi à mesure que la micro-informatique devient portable et donc nomade. Leader depuis le début des années 1990, le constructeur américain Compaq lance en 1997 le premier portable multimédia conçu pour le grand public, le Compaq Presario 1060, et popularise son slogan « Compaq à suivre ». Cette miniaturisation ouvre la voie aux actuels smartphones, véritables ordinateurs de poche. L’informatisation du monde connaît enfin une accélération époustouflante, avec la diffusion massive au tournant du 21^e siècle du World Wide Web, cette « toile (d’araignée) mondiale » permettant de relier les pages Web du monde entier entre elles et surtout de connecter les gens entre eux – une culture facilitée en France par l’usage dès les années 1980 du Minitel.