Et si la ténacité des poilus de 14-18 n’avait tenu qu’à la distribution quotidienne de vin ? Archives, acteurs et témoins du conflit montrent que la question n’a rien d’incongru, à condition de la replacer dans le contexte d’une guerre totale qui a soumis ses combattants à des épreuves extrêmes. Si l’usage de boissons alcoolisées existait déjà dans l’armée avant 1914, c’est bien la Grande Guerre qui le consacre. Composée en 1914 de 0,25 litre de vin (auquel on ajoutait 1/16e de litre d’eau-de-vie ou gnole), la ration quotidienne n’a cessé d’augmenter au cours des hostilités pour atteindre environ un litre de vin en 1918. Proposer du vin aux soldats de 14-18 relève presque d’une évidence. Comment l’expliquer ?
Du vin pour les poilus
Tout d’abord, le vin sort indemne de la grande campagne antialcoolique menée durant la guerre contre les alcools distillés et forts (plus de 40°), au premier rang desquels l’absinthe interdite en mars 1915. Produit de la fermentation, le vin est considéré comme une boisson « naturelle ». Beaucoup de médecins en font même une boisson « hygiénique ». Consultée sur l’opportunité d’une hausse de la ration de vin aux armées, l’Académie de médecine le recommande par exemple en juillet 1915 pour ses vertus antiseptiques contre les diarrhées, les angines, les rhumatismes et les gelures occasionnés par la vie des tranchées. Cette consommation de vin répond aussi à la hantise des médecins militaires à propos des maladies hydriques – fièvre typhoïde, dysenterie, choléra – que les soldats pourraient contracter en consommant une eau souillée par les résidus d’obus chimiques, les cadavres en décomposition ou les latrines militaires.