Le placebo : pourquoi il soigne

Le placebo est un traitement inefficace en théorie mais qui soigne tout de même, simplement parce que l’on y croit. Le phénomène est si répandu que les scientifiques ont dû l’intégrer à leurs protocoles de recherche. Pour autant, on l’explique mal…
1643988580_facebook-shared-image.jpeg

Comment diable lutter contre la constipation des dames de cour ? Le médecin de Napoléon trouva la solution avec la redoutable Mica panis, qui soulagea la panse des malheureuses. Comme les latinistes l’auront remarqué, il s’agissait pourtant là, littéralement, d’un traitement à la mie de pain qui n’était pas censé soigner quoi que ce soit. Du coup, la Mica panis pullula dans les officines des apothicaires jusqu’au début du XXe siècle, dispensée non plus pour les déboires intestinaux mais pour les tracas de santé pas vraiment pris au sérieux, hormis par le malade lui-même, suspecté de trop s’écouter.

Nous touchons là l’essence du fameux placebo, un pseudotraitement qui n’a rien pour être efficace, mais qui déjoue les pronostics parce qu’il produit autant d’effet qu’un vrai. Tout peut faire office de placebo, depuis le verre d’eau jusqu’à l’imposition des mains, pourvu que le patient pense avoir affaire à une vraie prise en charge. La fameuse mie de pain est un placebo « pur », qui peut fonctionner alors qu’aucune de ses propriétés n’a de vertu curative. Mais il existe aussi des placebos « impurs » : par exemple, les antibiotiques combattent les infections bactériennes, mais n’ont pas de raison de marcher contre la grippe (un virus) en l’absence de surinfection. Ils sont pourtant fréquemment prescrits dans ce cas, et peuvent contribuer au rétablissement. Alors, le placebo n’aide-t-il que les hypocondriaques se croyant à l’agonie au moindre éternuement, et ne demandant qu’à être rassurés ? En réalité, pas du tout : des études montrent qu’il soulage des personnes anormalement anxieuses ou non, des deux sexes, de toutes conditions sociales et de tous âges (les enfants y semblent encore plus réceptifs)… Et surtout, présentant toutes sortes d’authentiques symptômes, psychiques ou organiques, aigus ou chroniques. Le placebo a d’abord marqué les esprits pour son influence sur la douleur : plus de 80 % des sujets, selon les études, sentent la douleur refluer ou disparaître. Mais il atténue aussi les attaques de panique (chez 31 à 51 % des patients), les angines de poitrine (80 %), l’hypertension (50 %), l’asthme chronique (37 %), l’arthrite (80 %), les douleurs postopératoires (jusqu’à 70 %)… Il peut modifier rythme cardiaque et tension artérielle, augmenter la concentration en globules blancs, faciliter la cicatrisation, pulvériser les verrues, et mater l’insomnie… Il arrive que des patients, ouverts par le chirurgien mais aussitôt refermés devant les difficultés rencontrées, se réveillent guéris, ignorant que le praticien n’est pas intervenu. Il existe même des IVG placebos pour grossesse nerveuse : la patiente est endormie, mais à son insu sans intervention, ce qui suffit parfois à faire disparaître les symptômes.

 

Un « Paracylxeromytynxol-C2 » ou un « Dodo ronflette » ?

Un placebo fonctionne encore mieux s’il est nanti d’un nom compliqué (pour un somnifère, sans doute « Paracylxeromytynxol-C2 » portera-t-il davantage ses fruits que « Dodo ronflette »). De même, son administration s’avère primordiale : il agit davantage en injection qu’en gélule. Chez les anxieux, plusieurs prises sont plus efficaces qu’une seule, même par petites doses. Et que dire de son aspect ? Un médicament excitant doit être rouge, un somnifère, bleu, un analgésique, blanc, et un laxatif, marron (allez savoir pourquoi !). Il lui faut un goût amer, et non sucré. Et tant qu’à faire, qu’il coûte cher : on espère davantage d’un produit à 40 euros non remboursés, qu’à 1,50 euro pris en charge. Est-ce pour cela que les génériques suscitent si peu d’engouement ? L’économiste Dan Ariely se demande même si l’envoi de médicaments bon marché dans les opérations humanitaires ne serait pas préjudiciable à certains malades… L’industrie pharmacologique a en tout cas pleinement intégré l’effet placebo dans la commercialisation de ses produits, dont les détails ne sont pas laissés au hasard.