Le retour des concubines

Les Nouvelles Concubines
Pierre Tiessen et Zheng Baichun, Le Toucan, 2010, 222 p., 18 €

Elles seraient aujourd’hui 10 millions en Chine. Ce sont les ernai, littéralement « deuxièmes femmes » en mandarin. De jeunes Chinoises originaires de provinces pauvres du pays, venues à Pékin, Shanghai ou Shenzhen en quête d’une vie meilleure. Dans ces métropoles en plein essor, elles deviennent les maîtresses d’un homme marié, cadre du Parti, banquier ou professeur d’université âgé…, qui offre vêtements, bijoux et appartement en échange de leur jeunesse et de leur corps. Pierre Tiessen et Zheng Baichun nous dépeignent ce phénomène des « nouvelles concubines » au fil de leur enquête étayée de nombreux témoignages. Rémanence des concubines des anciens empereurs, certaines ernai entretenues par de riches Pékinois tirent orgueil de leur position. Mais la vie de luxe de ces favorites n’est jamais qu’un sursis, ce que rappellent les récits d’ex-ernai. Une relation tumultueuse, qu’elles-mêmes ne considèrent pas comme de la prostitution, mais qui a souvent commencé par un viol. Pas de mariage mais une vie fragile, des avortements répétés…, jusqu’à ce que le protecteur abandonne sa ravissante amante. Celle-ci se retrouve alors dans le dénuement, affublée du nom de « femme impure » par le reste de la société. Un sujet certes grave mais un livre poignant qui nous plonge au cœur de la Chine contemporaine et de ses mille contradictions.