Entretien avec Jean Le Camus

Le rôle du père

Quelle est la place que la psychologie accorde au père dans sa relation avec l'enfant ?

Ce sont surtout les psychanalystes et les psychiatres qui s'y sont intéressés jusqu'ici. Les psychanalystes ont parlé de « l'âge de la mère », le premier âge pendant lequel la relation à la mère est fondamentale. Selon eux, au terme de quelques années, l'apport originel de tendresse ne suffit plus et le père devient nécessaire comme tiers. Il est celui qui sépare, qui introduit l'enfant à la loi, à l'interdit. Il est de plus décisif dans la construction de l'identité sexuée. Du côté des psychiatres, certains, comme H. Sutter et J.M. Luccioni, ont décrit le syndrome de carence d'autorité paternelle.

Sur la base des travaux empiriques que vous avez menés, êtes-vous d'accord avec cette analyse ?

Je ne remets pas tout en cause. Mais de nombreux travaux empiriques montrent que le registre d'influence du père est bien plus large que celui de la « loi » et de l'identité sexuée. Tout d'abord, il peut apparaître tôt dans le développement de l'enfant : s'il a participé aux soins, le bébé est capable de le reconnaître dès l'âge de 2-3 mois.

Je défends une présence concrète, en chair et en os, du père. Pas seulement une présence symbolique à travers la parole de la mère. Et contrairement à ce que certains ont dit, il n'y a aucun risque que l'enfant le confonde avec sa mère : il est le parent de sexe masculin.